Christophe Honoré, 2008 (France)
Inspirée de La princesse de Clèves de Madame de La Fayette (paru pour la première fois en 1678), la nouvelle réalisation de Christophe Honoré reste pénétrée de sa précédente réussite, Les chansons d’amour (2007). Transposée dans un lycée du XVIe arrondissement parisien (le lycée Molière, que l’on suppose à mille lieux du collège Dolto dans le XXe vu dans Entre les murs de Laurent Cantet, sorti une semaine après La belle personne), point de princesse ni de duc, simplement Junie, jolie et évanescente élève, et son professeur d’italien Nemours qui hésitent longtemps avant de s’engager dans une relation amoureuse forcément vouée à l’échec.
UNE JEUNESSE IDÉALISÉE
En dépit de relations homosexuelles entre adolescents un peu forcées (la chair est-elle si présente dans les lycées…), en dépit d’une allure romantique excessive (tous ont des tignasses soufflées par le vent), les personnages sont attachants. La blanche Léa Seydoux (Junie) est convaincante et autour d’elle gravitent des acteurs qui nous plaisent, Grégoire Leprince-Ringuet (Otto), plus encore Louis Garrel (Nemours), et des plus petits rôles comme celui de Clotilde Hesme (la documentaliste) ou de Chiara Mastroianni (une femme dans un café à laquelle est identifiée Junie, un regard échangé et une musique passée dans un vieux jukebox les lient). La préciosité de certaines répliques n’est pas non plus sans nous séduire (« Quand Marie dit à Nemours : « J’ai comme une très grande douleur de vous quitter, monsieur », ça ne vient pas de Mme de Lafayette, mais d’une réplique que j’adore dans Lola, le film de Jacques Demy [1961]… » explique Honoré dans un entretien riche en informations publié par Télérama).
UNE RÉALISATION RENOUVELÉE
Isabelle Regnier dans Le Monde évoque pour parler des œuvres de Christophe Honoré d’« expériences de laboratoire » et c’est sûrement très vrai pour ce film-ci. Une seule chanson est interprétée comme si cette réalisation s’inscrivait dans le genre de la comédie musicale (une musique en off et le comédien chantant par dessus) et il est intéressant de noter que ce procédé, utilisé même ponctuellement, s’intègre parfaitement à la narration. Le spectateur n’en est pas dérangé et l’effet produit, bizarrement, ne paraît pas artificiel. C’est Grégoire Leprince-Ringuet qui chante un morceau écrit par Alex Beaupain (compositeur de la BO des Chansons d’amour). Si l’ambiance des Chansons d’amour n’a pas complètement quitté ce film, La belle personne s’en différencie par des tentatives cinématographiques diverses. Les images accélérées en est un autre exemple : la fuite rapide du temps accompagne le départ de Junie, comme si l’adolescence même était trop vite passée. Les gros plans, nombreux, essayent de saisir l’adolescent à la fois dans son mystère et dans son intimité sentimentale (les adultes, à l’exception de Louis Garrel, sont filmés « à distance »), mais aussi, à l’inverse des images accélérées, tentent de fixer cette jeunesse, de la retenir.
UN PARIS RÉTRACTÉ
Les déplacements qui se font dans Paris ont lieu entre les cours du lycée et dans un nombre de rues très limité. De plus, les acteurs de l’établissement scolaires sont presque les seuls piétons sur ces chemins. Alors que Le péril jeune de Cédric Klapisch (1995) multiplie les intérieurs (lycée, café, domiciles, chambres, squat), La belle personne nous montre un Paris confiné (le seul intérieur filmé en dehors du lycée est un café, lieu commun du cinéma Nouvelle Vague). Rien à voir non plus avec les distances parcourues, ni avec l’animation urbaine de Dans Paris (2006) et des Chansons d’amour. Plans plus rapprochés sur ses personnages et Paris resserré comme si Christophe Honoré se focalisait davantage sur ses sujets, comme s’il tentait d’atteindre par ce rapprochement physique une plus grande affinité sentimentale.
Dans Paris, Les chansons d’amour et La belle personne sont présentés comme les films d’une même trilogie sur l’amour, la jeunesse et Paris. Des trois, et malgré tout son charme, La belle personne apparaît comme le plus fade.