Sidney Lanfield, 1941 (États-Unis)
Un quiproquo de départ (d’autres viendront) arrange le destin de deux danseurs irrésistibles, Robert Curtis et Sheila Winthrop : Fred Astaire qui trouve en Rita Hayworth, une partenaire formidable, capable en peu de mouvements de faire oublier les années de collaboration passées avec Ginger Rogers.
Ainsi, Robert Curtis, le chorégraphe, est forcé par Martin Cortland, le producteur (Robert Benchley), de mentir à sa femme Julia (Frieda Inescort) sur les avances tentées auprès de Sheila à coup de brillants montés sur bracelet. C’est Julia qui possède la fortune du couple Cortland et, après quinze ans de mariage, elle n’a aucune confiance en un mari volage qui se figure la duper d’excuses bafouillées et de cadeaux incongrus (un bijou de diamants pour une maîtresse encore fictive, un gratte-dos chinois pour elle). Mais Julia est sans illusion face au comportement de son mari infidèle. Son personnage est peu présent mais comique en soi, surtout en raison de répliques lancées avec un air blasé absolument inaltérable. Robert se voit donc bien obligé de porter un peu plus son attention sur Sheila et comme, selon le titre, l’amour vient en dansant… Cependant, la délicieuse jeune fille ne fait pas encore tout à fait partie de ses projets quand le chorégraphe croit profiter d’une incorporation dans l’armée pour échapper à une situation que plusieurs complications ont rendu de plus en plus embarrassante (un troisième amoureux jaloux, la presse avide de potins sur les stars, etc.).
Le film commence dans un théâtre, se poursuit dans un camp militaire (actualité de l’époque oblige) et se finit par un mélange des deux : une revue dansée devant des soldats et des officiers sur une scène géante (avec un final sur char d’assaut, peut-être la seule touche de mauvais goût du film, mais encore une fois l’époque…), comme si la seule présence de Fred Astaire avait eu la capacité de faire basculer le moins enchanté et le plus grave des mondes dans l’univers du spectacle. Les deux scènes de danse en prison sur du jazz joué par un groupe de taulards noirs (renvoyant à un autre contexte) rappellent la même chose : le désespoir n’a pas sa place (surtout dans cette comédie) et comme dans Tous en scène un peu plus tard (Minnelli, 1953) : it’s all entertainement.
Les gags nombreux et les quiproquos sont réellement amusants. Pensons simplement à une tactique de diversion : le pigeon espion avec appareil photo à la patte traversant discrètement le camp militaire sous un chapeau. La Columbia enrôle d’ailleurs deux acteurs pour jouer un réjouissant duo de personnages secondaires : Guinn Williams (le grand costaud) et Cliff Nazarro (le petit nerveux incompréhensible). Les danses entre Astaire et Hayworth sont pleines de charme. La musique est signée Cole Porter. L’une des affiches du film avait cette accroche et finalement ne mentait pas « Exciting beauty and rythm in a great army musical ! ».
Il y a une série de photos où Fred Astaire et Rita Hayworth dansent sur les toits. Leurs tenues sont celles du final dans le film. Certainement est-on à Los Angeles sur les toits des studios de la Columbia en 1941 (You’ll never get rich sort en septembre aux États-Unis). Une de ces photos a été retenue pour une des affiches du film.
Fred Astaire et Rita Hayworth ont fait partie de ces stars engagées durant la guerre. Ainsi, quand le gouvernement fait appel aux studios hollywoodiens pour aider à vendre les bonds de guerre, des tournées de stars sont organisées comme celle de la Hollywood Bond Cavalcade en 1943 avec Judy Garland, Mickey Rooney, Lucille Ball ou Fred Astaire.
A Washington, lors d’une étape de la tournée, les stars défilent à bord de jeeps, chacune personnalisée avec fanion à leur nom.
J’ignore la date, mais il existe au moins deux photos de Rita Hayworth à l’arrière d’une voiture dont les pare-chocs ont été retirés pour être recyclés dans les usines qui fabriquaient du matériel de guerre. Sur le panneau, « S’il-vous-plaît, conduisez doucement. Mes pare-chocs sont à la ferraille ». Avec l’actrice sexy au-dessus, le double sens n’est pas difficile à deviner.
J’irais bien danser avec Rita et Fred à mesure que je parcours ce papier !
Superbes clichés en sus; notamment le dernier montrant la danseuse montée sur une bien jolie carrosserie. La Belle de guerre finira hélas imprimée sur une ogive, comme quoi il n’est pas toujours facile d’assumer son statut de bombe atomique.
Rita rides a-bomb, j’avais oublié ça en effet. C’est la photo de Gilda qui a été collée sur une bombe-test pour tomber en 1946 sur l’atoll de Bikini (ça ne s’invente pas). Le film de Vidor sortait cette année-là et une affiche française mentionnait plus tard, Hayworth, la « vedette atomique ».
Un titre qu’elle n’a pas particulièrement apprécié d’ailleurs, et l’a fait savoir. On peut la comprendre.
Bonjour, « L’amour vient en dansant » est une très belle comédie musicale. J’ai adoré la prestation des acteurs Robert Benchley et Rita Hayworth. Je pense aussi que tu as bien décrit ce long-métrage, puisque tu as parlé de tous ses éléments importants.
Robert Benchley est dans un registre de pur vaudeville. On pourrait même y voir un archétype (le mari coureur de jupons, maladroit, mal assuré, qui se confond en excuses pour ne pas perdre sa femme). Benchley était non seulement un acteur qui a tourné pour Wilder, Clair, Duvivier, Curtiz… beaucoup de rôles au total, mais il était aussi journaliste et scénariste (il a participé à l’écriture de Correspondant 17 d’Hitchcock, 1940, ou du Tourbillon de la danse de Leonard, 1933, avec Astaire pour la première fois à l’écran).
Fred a eu l’immense idée de demander à ce que Rita soit sa partenaire et il a bien fait ! Leurs duo de danses sont mémorables et ils se retrouveront encore une fois pour Oh toi ma charmante (You Were Never Lovelier)
Apparemment Fred aurait préféré danser avec elle plutôt qu’avec Ginger car, pour Rita, la danse était innée chez elle