Dzhanik Fayziev, 2012 (Russie)
War zone est un film de propagande étrange, film de guerre tenté par la SF, ne sachant pas véritablement lequel de ses protagonistes suivre, ni s’il faut donner un visage à l’ennemi ou s’en tenir aux ignobles terroristes, il entend quoi qu’il en soit justifier la politique de Poutine et Medvedev au moment du conflit qui opposait en août 2008 en Ossétie du Sud la Fédération de Russie à la Géorgie.
État de guerre du Finlandais Renny Harlin (2010) avec Val Kilmer et Andy Garcia (dans des contrats purement alimentaires, n’en doutons pas) avait déjà présenté aux spectateurs occidentaux le deuxième conflit russo-géorgien. Le film était apparemment à l’initiative des studios américains mais fut en partie financé par la Georgia International Films et Dispictures, deux sociétés de production géorgiennes. Ayant tourné en Géorgie, Harlin avait aussi profité de l’aide de l’armée du pays pour du prêt de matériel ou l’emploi de figurants. Dans la république caucasienne, depuis l’arrivée au pouvoir du président Saakachvili (réélu en 2008), le soutien aux États-Unis était (et en 2013 est toujours), avec l’opposition à Moscou, la base même de la politique étrangère. Il n’est donc pas étonnant de voir dans État de guerre des Russes en infâmes assassins s’en prendre à des Géorgiens braves et innocents.
War zone, c’est le contraire. Le point de vue est russe et l’ennemi géorgien. Mais le film n’est pas non plus complètement un film de guerre. Il commence par une démonstration en images de synthèse où un robot géant combat des démons en enfer. On comprend ensuite que c’est un enfant plein d’imagination qui échappe de cette manière à la réalité, ses parents sont divorcés et le copain actuel de sa mère, un homme d’affaires, ne lui plaît pas beaucoup (on sait que Poutine avait fait la chasse à l’oligarque au début des années 2000 et peut-être le capitaliste n’a-t-il pas encore tout à fait la cote auprès de l’opinion publique russe en 2012 pour que l’on en fasse un personnage sympathique).
L’enfant est vite envoyé chez son père, un militaire fermier en Ossétie du Sud près de la frontière géorgienne. Puis, c’est la guerre et il faut partir récupérer le gosse. Le point de vue de la mère (la très publicitaire Svetlana Ivanova) est alors privilégié, au moins le temps de larguer le financier qui refuse de l’aider et de plonger dans le conflit. Au milieu des combats et lorsque mère courage s’accroche aux bottes des soldats, la réalisation change à nouveau de point de vue et adopte plutôt celui des militaires. L’enfant ne réapparaît qu’à la fin et les robots géants avec lui pour les derniers effets pyrotechniques.
L’ennemi géorgien n’a pas de visage et le plus souvent est éliminé à distance. Sauf vers la fin, quand Svetlana manque elle-même de se faire abattre : on voit le visage décontenancé du soldat qui finit par la laisser filer et qui fuit à son tour. Contrepoint tout à fait inattendu à ce moment-là du film (à moins qu’il ne s’agisse de montrer la lâcheté de l’ennemi). De même, le réalisateur russe glisse une référence déconcertante à Quand Harry rencontre Sally. On voit rapidement passer le dvd sur une table, puis à Svetlana Ivanova de reprendre publiquement dans un ascenseur aux côtés de son amant le fameux orgasme simulé par Meg Ryan… Faut-il y voir malgré tout le propos politique du film une façon de ménager Hollywood ? Une sorte de concession faite de la part de la Russie aux États-Unis ? La diplomatie semble avoir d’insondables mystères que le cinéma ne peut ici éclairer.