Le bal des actrices

Maïwenn, 2009 (France)

Le bal des actrices est vraiment unique en son genre, j’entends par là qu’il ne ressemble à aucun autre long métrage connu : sa singularité le classe à part dans le cinéma français actuel et dans les comédies en particulier.

D’un bout à l’autre, le jeu consistant à mêler réalité et comédie est d’une finesse et d’une subtilité telle, que même en sachant pertinemment que « c’est pour de faux », j’ai été totalement bluffé. Il y a forcément des scènes « réelles » au milieu des scènes « jouées », mais impossible de les démêler, et d’ailleurs à quoi bon… De toutes façons, et c’est là la grande force de ce bal, on est constamment pris à contre-pied.

Maïwenn décide de faire un film montrant des comédiennes dans leur quotidien, dans leur intimité, sans strass ni paillettes et surtout sans complaisance : un documentaire filmé au caméscope entrecoupé de chansons, façon comédie musicale. Le bal des actrices est le vrai-faux tournage de ce documentaire, et l’on y voit Maïwenn essayer de vendre son projet à un producteur frileux qui préfère investir dans du commercial, « un nouveau Bridget Jones français avec Jean Dujardin et Audrey Tautou » (oui, ça balance pas mal !). On la voit aussi à nue dans ses problèmes de couple. Joey Starr qui joue son compagnon est tout à fait étonnant (la scène de l’anniversaire de son fils avec les autres enfants est à mourir de rire !)… C’est elle qui filme et qui est parfois filmée, et c’est elle qui finalement est au centre de ce bal démasqué, ce qui exaspère les actrices lors de la projection du film ; elles sont toutes unanimes : Le bal des actrices est vraiment d’une nullité absolue, un bide assuré en prévision.

Cet ovni dans le monde du cinéma français est d’une drôlerie et d’une pertinence à nulle autre pareille et le talent des unes et des autres à paraître naturelles malgré le contexte est exceptionnel. Karin Viard, Jeanne Balibar, Julie Depardieu, Charlotte Rampling, Estelle Lefebure, Marina Fois, Romane Bohringer, Muriel Robin ou encore Mélanie Doutey et Linh Dan Pham sont tour à tour névrosées, dépressives, imbues de leur personne, naïves, touchantes, blessées, fragiles, colériques, perdues… Et ont plus ou moins un ego surdimensionné. Mais c’est vraiment difficile à expliquer par des mots : il faut le voir pour comprendre.

Maïwenn possède un véritable talent et une personnalité propre pour créer un genre à part de comédie faussement réaliste ; et toutes les actrices, elle y compris bien sûr, montrent à quel point elles parviennent à rire d’elles-mêmes et, en définitive, à ne pas se prendre du tout au sérieux. Pour cela, Le bal des actrices est une vraie leçon d’humilité, et d’ailleurs… Toutes n’ont pas acceptées d’y participer, comme Mathilda May et Isabelle Adjani par exemple ! La partie musicale est également drôle et originale (et jamais prise de tête ou envahissante) avec des duos improbables tels que Karin Viard / Anaïs, Joey Starr / Charlotte Rampling (!!!) ou, dans une moindre mesure, Mélanie Doutey / Benjamin Biolay et Linh Dan Pham / Marc Lavoine.

Il fallait oser, c’est totalement réussi et, ce qui est certain, c’est que cela ne plaira pas à tout le monde ! Tant mieux.

4 commentaires à propos de “Le bal des actrices”

  1. Depuis que j’ai vu et entendu (un peu) la réalisatrice et ses actrices faire la tournée des plateaux de télé et de radio pour la promotion de ce bal, une question me taraude. Pourquoi à chaque fois (et cela transparaît aussi dans ton article) évoque-t-on les actrices qui ont refusé le rôle ?

    Pour la plupart des films qui se font, les acteurs qui se retrouvent devant la caméra ne sont pas ceux qui avaient d’abord été choisis. Il est rare que l’on insiste autant sur les refus.

    Serait-ce ici pour affirmer que toutes les actrices françaises ne sont pas capables de se moquer d’elles-mêmes ? Ou par simple rancune ?

  2. Je pense que, au vu de l’audace du film (assez subversif tout de même), ce sont surtout les raisons de ces refus, en particulier pour les actrices précitées (qui ont, apparemment, invoqué avec honnêteté des difficultés à jouer avec leur image et à se montrer sous un autre jour aux yeux du public). Le cas était différent pour Monica Belluci, c’est pour ça que je ne l’ai pas citée, car elle était déjà en tournage. Mais à la différence des autres films, dans celui-ci les actrices jouent leur propre rôle (avec leurs vrais noms) et pas un personnage, ce qui fait une grosse différence. Par exemple, en accentuant leurs propres défauts (et par là-même les reconnaître, s’en moquer et prendre de la distance avec l’image très paillettes des médias) ou en en inventant d’autres… Mais comme le trait est à peine grossi, c’est là l’intérêt, ça peut prêter à confusion, même si tout ceci n’est qu’une farce, mais une farce particulièrement audacieuse ! Non, toutes les actrices françaises ne sont pas forcément capables d’auto-dérision, et c’est valable pour tous les pays je pense.

  3. C’est donc affirmer une évidence. Quel intérêt de savoir si telle ou telle actrice est capable d’humour ou non à son égard ? N’est-ce pas là une forme d’indiscrétion (le terme est euphémique) ? Intéressons-nous simplement aux actrices qui sont sur l’affiche.

    Je reste étonné par cette façon de parler du film, « en négatif » (voyons qui n’y joue pas), lors de la promotion.

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