Josh Trank, 2015 (États-Unis)
Le réalisateur de Chronicle (2012) voulait un film plus sombre et angoissé que les précédents essais sur la franchise* mais se retrouve, à la suite de désaccords multiples, avec une production Fox-Marvel vite montée, vite exploitée, qu’il refuse de reconnaître.
La première partie, c’est-à-dire jusqu’à la découverte des pouvoirs, est trop longue. Ensuite, une ellipse mal venue empêche justement aux héros de découvrir ces pouvoirs et donc efface un des développements souhaités par le réalisateur, à savoir (selon ce qu’il a pu rapporter de ses propres intentions) des pouvoirs d’abord vécus comme de sévères handicaps. Cette ellipse n’est pas unique, mais laisse davantage que les autres l’impression d’un trou dans le récit. D’autant que la vision du réalisateur se devine encore à travers de courts passages qui n’ont pu être filtré au montage final. De même, parmi les défauts, certaines scènes sont simplement bêtes : les démonstrations manquées de la Chose face à des militaires (un copier-coller du Hulk) ou la jalousie mal amenée de von Doom vis-à-vis du couple Reed Richards Sue Storm (scène aux répliques assez navrantes). Le final encore est un gâchis : il est expédié en dix minutes lors d’un misérable affrontement entre les quatre mutants et Fatalis (le collaborateur et camarade von Doom oublié sur une autre planète et de tant de solitude devenu super-vilain).
Ailleurs, on sent pourtant poindre l’intérêt de Trank pour une adaptation différente liée d’une certaine façon au pessimisme de Chronicle. Le développement du téléporteur et la transformation de La Chose par exemple se sont faits en référence à La mouche (1986). Une séquence surtout témoigne encore de la teinte que le réalisateur aurait souhaité donner. Les jeunes gens atteints après leur voyage catastrophe sont tous isolés et absolument terrifiés face à l’inconnu : Kate Mara dont l’invisibilité confère à l’inexistence, Michael B. Jordan qui ne ressemble qu’à un cadavre en permanente combustion, Miles Teller écartelé sur une table comme sur un instrument de torture, Jamie Bell aggloméré à un gros tas de gravas.
Trank remercié avant le montage final (et presque aussitôt exclu d’un projet Star Wars pour lequel il avait été désigné), Les 4 fantastiques produit par la Fox laisse croire à un bâclage volontaire (depuis le début du projet ?) et, compte tenu de la supériorité écrasante aujourd’hui de Disney sur l’exploitation cinématographique de l’univers Marvel**, laisse aussi craindre pour les autres super-héros dont elle possède encore les droits (DC compris). Les 4 fantastiques au final, c’est un accident industriel : une BD des années 1960 téléportée et, bien malgré Trank, revenue légume mutant en 2015.
* Les adaptations de Tim Story : Les 4 Fantastiques et Les 4 Fantastiques et le Surfer d’Argent sortis en 2005 et 2007. La version plus ancienne des 4 Fantastiques, 1994, n’est réalisée que pour une question de droits et signée par Oley Sassone (que l’on retrouve au générique de plusieurs séries, Hercule, Xena ou Mortal Kombat…). A propos de cette version, voir Nanarland (consulté en août 2015).
** Mickey ne profite plus de la tendance super-héroïque, comme au moment où il rachète Marvel Entertainement fin 2009. Après Iron Man 3 ou Avengers, il est clair désormais que Disney fait la tendance (par le nombre de films en développement, par une la cohérence amenée entre ces films, par le calendrier fixé et imposé à cinq ans d’avance, par son poids sur l’univers des jouets…).
Bien triste pour les FF que j’ai adorés dans mon enfance, ils demeurent les parents pauvres des récentes adaptations. Finalement, la version nanarde de Sassone est peut-être la plus naïvement réussie.
Un film attentiste où il ne se passe rien…