Wanted : choisis ton destin

Timur Bekmambetov, 2008 (États-Unis)

Sur la trame de Fight club, un loser lambda (comptable, cocu, fauché) se mute en un super-héros. Avec toute la naïveté de Peter Parker, le poltron minable (James McAvoy) intègre une guilde millénaire de tisserands assassins et court les missions aux côtés, le veinard, de la sublime et cette fois peu bavarde Angelina (regrettons la faiblesse du rôle). Morgan Freeman en Clotho désigne les cibles à abattre, la guilde d’Atropos les précipite à la mort. Le réalisateur kazakhstanais de Gladiatrix (en 2001, ce n’est pas un porno, c’est un russe) ne se contente pas d’amasser les artifices sur la pellicule, débiteur de la rente des Wachowski, il dessine dans ses scènes d’action d’improbables mouvements, ceux des corps qui se courbent et s’écrasent et ceux des balles des armes à feu qui, plus que dans Matrix, dessinent de folles trajectoires.

Wanted est grossier mais les allusions à une société ultra moderne (le code binaire auquel les initiés obéissent) et de consommation (la baston de supermarché, la chaîne de réparation des corps, la satisfaction du héros et du spectateur tirée du produit) lui évitent la complète bêtise.

6 commentaires à propos de “Wanted : choisis ton destin”

  1. Voici une superproduction estivale avec à l’affiche Angelina Jolie, Morgan Freeman et, le véritable héros du film, le jeune Écossais James McAvoy (aux côtés de Forest Whitaker dans Le dernier roi d’Ecosse, ou de manière plus anecdotique en « Mr Tumnus », le faune au parapluie, dans Le monde de Narnia).

    L’histoire en quelques mots : Wesley Gibson est un jeune « manager comptable » qui se laisse tyranniser par sa supérieure, s’excuse à tout bout de champ, laisse son meilleur ami baiser sa copine (si, si, c’est le terme le plus approprié !), est sous antidépresseurs toute l’année et, ce qui le déprime plus encore, est bien conscient de sa médiocrité… Bref, une lavette qui n’arrive jamais à dire ce qu’il pense jusqu’au jour où… Et là vous imaginez la suite je suppose ! Surtout si vous avez apprécié Spider-man de Sam Raimi et en particulier sa genèse.

    Notre pauvre gars va être contacté par une « confrérie de tueurs » qui exerce depuis mille ans ou à peu près, avec ses méthodes radicales, son code de conduite et sa morale bien particulière : « tuer un homme peut sauver une centaine de personnes ». Pourquoi lui ? Tout simplement parce que son père, qui l’a abandonné à quatre mois, le meilleur d’entre ces tueurs, vient de se faire descendre par une ancienne recrue qui a décidé de se la jouer solo. Et selon une sombre histoire de prophétie (et là on pense à l’élu de Matrix des frères Wachowski, 1999), lue grâce à un code bizarre sur une machine à tisser, seul ce fils possède les aptitudes nécessaires pour pouvoir rivaliser avec le « super-tueur ». Sloan, alias Morgan Freeman, le « boss » de cette confrérie, lui dira à ce propos « imagines que tu as un lion à l’intérieur de toi et la clé pour le faire sortir de sa cage ». Ils vont donc le former aux différentes techniques de combat, dont une fameuse façon de faire dévier la trajectoire des balles, et évidemment il deviendra à son tour le meilleur.

    Bon, c’est vrai, le scénario est assez prévisible, y compris la fin à multiples tiroirs… L’histoire de la mauviette qui se rebiffe et devient le plus dangereux des killers (j’ai adoré la phrase prononcée à la fin qui disait à peu près : « finalement je suis comme vous quelqu’un de médiocre et terriblement banal ». Ça fait toujours plaisir quand on s’adresse à vous de cette façon !) a déjà été racontée de nombreuses fois sous de multiples formes. Mais je pense qu’il faut davantage appréhender Wanted comme du « cinéma-BD » (il faut dire que c’est l’adaptation d’un comic du même nom réalisé par Mark Millar), comme un bon divertissement, plutôt que pour son côté réaliste… Car, en effet, entre le père qui au début prend son élan pour sauter d’un immeuble à l’autre (en passant au-dessus d’une grande avenue, donc un saut d’une bonne cinquantaine de mètres environ !), les balles déviées par la pensée, les cascades improbables, etc. Il s’agirait presque d’un film de super-héros !

    Car en tant que divertissement, c’est vrai qu’on en a pour son argent : au niveau action, ça shoote dans tous les sens et c’est par moment particulièrement violent (par exemple, des ralentis sur des balles qui explosent une boîte crânienne !), les effets spéciaux sont très spectaculaires (la poursuite dans le train !), l’humour est le bienvenu et la musique, signée Danny Elfman, éblouissante (il y a même quelques passages métal). Une production réussie qui remplit son rôle à merveille.

  2. Ce film est tout de même gênant. Une secte de fondamentalistes tuent des salauds parce que Dieu leur a soufflé à l’oreille. Et la seule remise en cause de cette idée à la con est que les hommes détournent toujours la voix de Dieu. Donc en gros, si on écoute bien Dieu, on peut tuer quelqu’un qui n’a commis aucun crime mais qui va le faire. N’importe quoi.

    Et la bédé (très différente puisque les tueurs sont des méchants) avait le mérite d’aller provoquer une certaine idée de la morale dans les blockbusters et les comics. Ce n’est pas le cas, à mon sens, ici.

    Aussi, si en lisant la critique et le commentaire de Benjamin, je vois qu’il y aurait peut-être quelque chose à sauver, je crois que les références du film (Fight club, Matrix, Spider-man) joueraient plutôt en sa défaveur puisque le métrage n’interroge jamais son dispositif de base un peu effrayant. Au contraire, il rappelle plutôt les films de la Cannon des années 1980. Non ?

  3. Tuer quelqu’un qui s’apprête à commettre un crime rappelle le principe de Minority report de Spielberg (2002).

    Le métier à tisser auquel obéit la confrérie d’assassins (dont les membres, il est vrai, sont comparés par Sloan-Morgan Freeman à des apôtres…) est dit « du destin » (the loom of fate). A la question du novice « qui donne les ordres ? », Sloan répond bien « le destin ». Dieu n’apparaît pas dans le discours des assassins.

    Par ailleurs, ces assassins ne sont pas de bonnes personnes (sauf Angelina sauvée in extremis). Ils manipulent le héros (qui s’en rend compte et d’une façon ou d’une autre les éliminent). D’où la « morale », proche d’un Terminator (« Il n’y a pas de destin sauf celui que nous faisons »), « choisis ton destin » repris dans le titre français (entendre la dernière remarque du héros, presque une exhortation à notre encontre : « This is me taking back control, of my life. What the fuck have you done lately? »).

    De plus la fatalité n’est-elle pas contredite par la foi du croyant ? Il faudrait regarder ce que dit la Bible sur le destin.

    Par conséquent je ne crois pas qu’il faille voir Dieu derrière la confrérie (seulement une vague mystique). D’autant plus que l’ennemi désigné par les assassins a pour nom « Cross ».

    D’un autre côté, rapprocher le métier à tisser de Dieu est tout de même assez tentant. L’instrument serait à la fois ce « grand ordinateur » des temps jadis (il est celui « qui range et ordonne », l’ordinator latin et transmet ses messages en langage binaire) et celui qui ordonne (qui donne des ordres) aux hommes afin d’accomplir un dessein divin (« Saint Windows priez pour nous »).

  4. Merci pour cette réponse élaborée et instructive.

    Sur Minority report, il est vrai que j’y pensais et c’est sans doute parce que j’aime beaucoup le film de Spielberg que celui-ci m’a autant énervé.
    Concernant Dieu, je n’ai pas revu le film depuis sa sortie au cinéma et j’imagine que je mélange les thèmes avec Je suis une légende (Francis Lawrence, 2007). Et comme je ne souhaite pas m’imposer un revisionnage, je me fie à votre avis pertinent.

    Votre dernier paragraphe traduit en effet ma pensée et le métier à tisser – pour « le grand ordinateur », je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Francis Lalanne ! – sert de téléphone entre les hommes et une force supérieure (ce n’est pas le cas de Terminator puisque l’humain est confronté à sa propre création). Cela renvoie aux interprétations diverses et variées que l’on peut faire du Coran, de la Bible ou de la Torah. Sauf que le film interroge cet aspect du bout des lèvres avec le personnage de Sloan et évite soigneusement de se confronter avec le mécanisme de base qui consiste à tuer des gens (et il me semble que le héros était d’accord sur le principe !).

    Concernant le destin, je dois admettre que je ne maîtrise pas vraiment le sujet, mes connaissances s’arrêtant à la chanson des Inconnus qui serine « Prends toi en main, c’est ton destin ! ». Ça aurait fait un bon générique de fin.

    De nombreux films hollywoodiens sont obsédés par la thématique du choix, de se construire soi-même et d’être maître de sa vie. Cela renvoie sans doute à l’Histoire des États-Unis. Sauf que parfois, la morale du film se résume à « quand on veut, on peut », c’est une bêtise monumentale.

  5. Je prends la mesure de l’estime que tu portes à ce film avec ce dernier commentaire (Lalanne, Les Inconnus…). Tu me fais sourire.

    On se rejoint en définitive (à la différence que moi je n’ai pas trouvé ça fantastique et que pour toi c’est exécrable). Tu as raison sur l’idée de l’acceptation des meurtres par le héros. Tuer ne le gène pas et grand nombre de films font avec.

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