Thorvald le Viking (The Norseman)

Charles B. Pierce, 1978 (États-Unis)

Qu’en 1978, un film raconte la rencontre au XIe siècle entre les vikings et les peuples autochtones d’Amérique du Nord, peut étonner. Cependant, mal monté, mal joué, avec son lot d’incohérences (la cale du drakkar…), on comprend très vite que le film est un navet. Lee Majors, qui joue le héros Thorvald, explique qu’il a accepté le film parce qu’il était bien payé et qu’un tournage en Floride pouvait être « fun » (Wikipedia, art. « The Norseman », page anglaise). D’ailleurs, les scènes de combat ou de courses à pied sur la plage, en raison des ralentis, ne sont pas sans rappeler de manière incongrue L’Homme qui valait trois milliards (1973-1978), une des deux grandes séries avec Lee Majors. Dans The Norseman, les représentations ne sont très conformes à la réalité historique : les casques à cornes avec fourrure autour (!) et des Indiens semblables à ceux que les  westerns nous ont habitués à voir (vêtements, armes, peintures et cris de guerre), comme si la culture indigène du XIe siècle était restée la même au XIXe (en tout cas telle qu’elle apparaît au cinéma le siècle suivant). Le récit, quant à lui, peut se résumer à une exfiltration, un escouade viking venant chercher son roi prisonnier (Mel Ferrer), aidée en cela par un magicien bossu (Jack Elam) et une « Indienne » rebelle (Susie Coelho). Le clan « Indien », lui, est organisé autour d’un guerrier grimaçant (Jerry Daniels) et une matrone houspillant (Kathleen Freeman). Ils courent, ils crient et finissent au ralenti sur la plage.

Si le film a ses limites, son point de départ sur les vikings en Amérique, qui plus est dans les années 1970 et sans autre fin que le divertissement pulp, est suffisamment original pour en dire un mot de plus. The Norseman n’est certes pas le premier film sur le « débarquement » scandinave en Amérique (Les Vikings de Roy William Neill en 1928 a ce privilège), mais je n’en connais pas d’autres. On peut imaginer que les fouilles archéologiques sur le site canadien de l’Anse aux Meadows dans les années 1960 ont pu réveiller un intérêt pour de tels récits. Les historiens venaient en effet de trouver une confirmation matérielle à ce que de rares textes médiévaux rapportaient sur les expéditions vikings dans l’actuel Canada aux alentours de l’an Mil. Mais ce sont surtout les sources scandinaves tardives, des manuscrits des XIVe et XVe siècles, qui nous renseignent sur le Vinland (« le pays de la vigne » ou « du vin » tel que ces régions avaient été baptisées). Charles B. Pierce, qui réalise mais également écrit le scénario de The Norseman, semble s’inspirer de ces sources, de la Saga des Groenlandais qui raconte l’aventure de Thorvald, le deuxième des fils d’Erik le Rouge parti à la suite de son père explorer les régions nord-est de l’Amérique, mais également de la Saga d’Erik le Rouge dont on retrouve des éléments dans le film (comme les relations amicales entre vikings et indigènes et les conflits réduisant des vikings en esclaves). On pourra donc se moquer du viking bionique et du nanar flirtant avec la sword and sorcery, mais Thorvald le Viking (titre en vf) illustre à sa façon un fait longtemps mal connu et sur lequel archéologues et historiens travaillent encore.

À lire, le dossier d’Alex Rallo, « La persistance des Vikings au cinéma », paru en 2016 sur Film exposure

La persistance des Vikings au cinéma

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*