Rian Johnson, 2017 (Etats-Unis)
A la suite du rachat de Lucasfilm par Disney, les fans de Star Wars avaient des raisons légitimes de s’inquiéter, après avoir déboursé 4 milliards de dollars le géant de l’entertainment allait certainement vouloir rentabiliser son investissement en exploitant la licence jusqu’à la lie, étouffant par ailleurs toute velléité créatrice. Pour autant, au vu du travail de patachon réalisé par George Lucas sur la prélogie, les raisons d’un tel émoi paraissaient quelque peu surréalistes. D’ailleurs, sans être brillant, ni même bon, l’Episode VII – Le réveil de la Force avait su rassurer les fans : respect de la saga (même si l’univers étendu est passé à la trappe), réalisation solide, décors somptueux et effets spéciaux au top des moyens techniques actuels… cet opus n’avait pas que des défauts, en dépit d’un scénario franchement réchauffé et d’une direction d’acteurs aux abonnés absents (mention spéciale à Harrison Ford). Il n’était donc pas déraisonnable d’aborder la sortie de cet épisode VIII avec une certaine confiance, d’autant plus que les teasers savamment orchestrés par la production semblaient plus que prometteurs.
Évitons les chemins de traverse et allons droit au but, cet épisode VIII est tout simplement d’une nullité abyssale, surtout pour ceux qui ont grandi avec la trilogie originelle et espéraient véritablement revenir au sources, à la mythologie fondatrice pourrait-on dire. Mais Les derniers Jedi les prendra fatalement à contre-pied. Le film commence à peu près comme l’Episode V, la rébellion est aux abois, poursuivie par les destroyers interstellaires du Nouvel Ordre. La situation est vraiment grave, Han Solo est mort, tué par son propre fils, Leïa est en fuite avec ce qu’il reste des forces exsangues de la résistance (quelques croiseurs calamaris, une frégate médicale et de modestes transports de troupes, accompagnés de bombardiers et de chasseurs). Autant dire, que les gentils ne font pas le poids face à la puissance militaire du Nouvel Ordre, conduit sous les ordres d’un général parfaitement stupide, dont on se demande comment il arrive à enfiler ses bottes sans se tromper de pied. Passons ! Après avoir réussi à exterminer, au prix de pertes effrayantes, le vaisseau de guerre le plus meurtrier de l’ennemi, moyennant une stratégie qui relève davantage de la méthode artisanale que de la tactique militaire, les rebelles tentent de fuir afin de trouver une nouvelle base secrète (Episode V quand tu nous tiens). Las, le Nouvel Ordre dispose de moyens permettant de tracer le vecteur de fuite des rebelles à travers l’hyperespace. Les voilà donc acculés, quasiment à court de carburant (c’est bien la première fois qu’une panne de gasoil est utilisée dans un scénario de Lucasfilm, on note l’originalité de procédé, à défaut -encore une fois- de le trouver brillant) et à bout de forces. De son côté, Rey, qui a réussi à retrouver Luke Skywalker, tente de ramener le vieux maître jedi à la raison en le rappelant aux côtés de Leïa et de la Résistance. Rien de neuf sous le soleil donc, mais pas de quoi non plus s’indigner, on commence à avoir l’habitude des scénarios en carton made in Lucasfilm.
Alors qu’est-ce qui cloche dans ce nouvel opus réalisé par Rian Johnson ? Commençons tout d’abord par reconnaître que le film dispose de qualités plastiques indéniables, c’est assez beau (si on aime le genre), visuellement plutôt inventif tout en respectant les codes de la saga et les effets spéciaux sont très réussis (comme d’habitude). Quant à la réalisation, à défaut d’être d’une classe folle, elle a le mérite d’être d’une grande efficacité. Oui mais voilà, n’est pas Irvin Kershner qui veut et si le film revendique une certaine noirceur et une filiation directe avec l’Episode V (le scénario en étant clairement une variation), il est très très loin d’atteindre le niveau d’excellence de L’Empire contre-attaque, et à trop se prendre au sérieux il confine même au grotesque dans son manque de retenue et de subtilité. On aurait tort d’ailleurs de n’accuser que le scénario du film, ni meilleur ni pire que les volets précédents. Le problème tient à l’écriture du script, aux dialogues d’une platitude et d’une nullité confondantes et à l’absence de scènes mémorables ; tout est esthétiquement travaillé à l’excès, au point d’oublier qu’une scène tient avant tout à la direction d’acteurs, aux dialogues et au montage. C’est bien là que le bât blesse, l’ensemble du casting est mauvais ou presque. Carrie Fisher est à peu près aussi expressive qu’un plat d’endives braisées (les ravages du botox sans doute ou en tout cas d’un maquillage bien trop lourd), Adam Driver n’arrivera décidément jamais à entrer dans son costume d’ersatz de Dark Vador (c’est peut-être voulu), au mieux réussit-il à jouer l’enfant trop gâté à qui on aurait supprimé un nouveau jouet, Daisy Ridley réussit tant bien que mal à faire illusion, mais son jeu est plombé par l’écriture falote de son personnage. Quant à Mark Hamill, il fait tout simplement de la peine tant le personnage qu’il incarne a été littéralement torpillé par la production.
Aucune scène de ce film ne restera mémorable, aucune ne réussit à transmettre une once d’émotion, le spectateur observe d’un œil désincarné cette pièce boursouflée, mal écrite et mal jouée, espérant au plus vite qu’elle se termine. Plusieurs scènes sont même tout simplement grotesques, laissant les fans de la première heure complètement consternés (Carrie Fisher dans l’espace, Mark Hamill balançant son sabre laser ou époussetant son manteau après avoir essuyé un feu nourri de lasers…. le reste est à l’avenant). L’humour, d’habitude assez léger de la saga, tombe ici littéralement à plat, les gags étant la plupart du temps malvenus et hors contexte, comme si le réalisateur avait décidé de torpiller ses propres scènes, sans aucun respect pour la mythologie de la saga. Et c’est sans doute le point qui fâchera les fans de la trilogie originelle. Après avoir mis à la benne l’ensemble de l’univers étendu, Disney semble vouloir saper les fondements mythiques de la saga et inventer une nouvelle voie pour sa licence phare. Le nouveau rôle de Luke Skywalker ne semble pas en adéquation avec celui que Lucas avait tracé dans les Épisodes IV, V et VI, cela aurait pu passer si l’écriture avait été à la hauteur et le jeu de Mark Hamill plus convaincant. Hélas, c’est tout le contraire auquel on assiste pitoyablement.
Monté à un rythme infernal (pour un film qui dure tout de même 2h30), Les derniers jedi souffre de ne jamais prendre son temps, même les scènes censées donner de la profondeur au propos sont trop brièvement esquissées, trop vites expédiées, confinant au ridicule (comme la plupart des scènes d’initiation entre Rey et Luke). Tout est trop calibré, trop pensé pour plaire, trop artificiel. En donner pour son argent au spectateur, voilà le seul credo d’un film qui oublie que le cinéma n’est pas seulement un divertissement destiné à flatter la rétine.
Tu es vachement sévère. Pour ma part, j’ai préféré cet opus au VII d’Abrams (qui était un remake basique fait pour les fans ; ici au moins, Johnson essaie de faire autre chose même si tout n’est pas réussi loin s’en faut) ou à la prélogie sans vie et puérile de Lucas. J’ai bien aimé ici la thématique de l’échec et de la désillusion qui court le long du film, cela donne un ton plus réflexif et plus adulte que de coutume dans un Star Wars même si tout va trop vite. Leia dans l’espace, j’ai trouvé l’image plutôt jolie à vrai dire et pas moins grotesque que le concept de la force en général. Mais, et ceci explique cela, je n’ai jamais été « fan » de Star Wars une fois passé l’adolescence. Pour moi, Star Wars, c’est de la SF pulp d’aventures bien faite et pleine de vie (dans la première trilogie), mais rien de plus. Cela vaut surtout pour la prodigieuse musique de Williams qui a réhaussé l’ensemble. Partant, je n’attendais rien de particulier de ce film (Disney a relancé la franchise pour des raisons exclusivement commerciales et je ne comprends pas comment les « fans », qui voient Star Wars plus beau qu’il n’est réellement, peuvent en attendre quelque chose de grandiose) et son caractère iconoclaste mettant à bas les idoles d’antan (sans pour autant trahir l’esprit du thème du fils sauveur propre à la première trilogie comme l’avait fait Abrams) m’a plutôt séduit.
Cette critique est d’une violence !!!!… étant fan de la saga, je peux comprendre qu’on ne soit pas d’accord avec la route prise par Rian Johnson, mais dire que le film est une nullité, c’est avoir loupé quelque chose d’essentiel sur le propos tenu par ce film. Cet opus est un reflet de ce que les fans sont. D’un côté, nous avons Rey la fan, enfant de l’univers Star Wars, qui s’accroche à ses idoles comme une moule sur un rocher, elle les a complètement idéalisés, au point d’en oublier tous leurs défauts et ne jure que par les grandes figures du passé, quelle déception quand on rencontre enfin son idole, et il faut parfois un moment pour prendre du recul. Et de l’autre, on a Kylo Ren (le réal), a qui on demande de ressembler à Dark Vador à tout prix, quoiqu’il arrive. Et même en portant le masque de Star Wars, il ne peux pas y arriver, quoiqu’il fasse, il n’y arrivera jamais ! Au point que ça le hante et qu’il est partagé entre écouter Rey… ou Snoke. Lui, c’est la branche dure des fans, celui qui va élaborer des scénarios abracadabrantesques pendant des heures et se faire son gros film, voulant absolument se porter propriétaire de l’univers Star Wars, le dépositaire des clés en quelque sorte. Il pense tout savoir sur tout, il est surpuissant et il ne supporte pas qu’on le contredise… Que fait Kylo , il le tue … bam, il balaie d’un revers toutes les théories complètement débiles inventées par des fans un peu trop zélés, sur l’origine de Snoke et de Rey. Kylo, n’a plus ni de compte à rendre à Rey, ni à Snoke, c’est le maître des clés désormais. C’est pour cela qu’il demande à plusieurs reprises à Rey d’oublier ses idoles du passé, de passer à autre chose, c’est à nous qu’il s’adresse. Il en a tellement marre de cette maudite trilogie originelle à laquelle on le compare sans cesse, qu’il hait Luke. Cette icone des 70’s si parfaite , ce Christ, que tout le monde à complètement idéalisée d’une manière absurde dans son jeune cerveau d’adolescent.
Cet épisode prend bien la peine de détruire le X-Wing de Poe Damron, la flotte entière de la rébellion, tout ces vestiges du passé et met à bas le mythe du héros sans peur et sans reproche pour en révéler des aspect au combien plus profond et sombre. Terminé l’ancienne trilogie il est temps de passer à un autre âge de l’ère Star Wars, quitte à perdre un paquet de vieux râleurs au passage. Il est temps qu’une nouvelle génération s’empare de tout ça, il est temps pour Kylo Renn de devenir un adulte et de devenir le maître à bord, de laisser tomber le masque. Il est temps pour Rey de briser les mythes qu’elle avait idéalisés pour à son tour recréer une nouvelle légende, il est temps pour Luke de partir et pour Leïa de prendre une retraite bien méritée. Mais quoiqu’il arrive, son fantôme continuera à planer sur la saga tout comme l’ombre de snoke. Tout est à refaire, et il est temps pour les fans de grandir enfin.
Jean-Paul, j’adore ! Superbe métaphore que tu as trouvée là ! Je vais t’embaucher comme chroniqueur.
Hummm, je crois que tu fais fausse route me concernant. Je suis certes un vieux fan de la trilogie originelle que je regarde aujourd’hui avec une certaine nostalgie parce qu’elle me rappelle mon enfance, mais je n’attends plus grand chose de Starwars depuis que Lucas a commencé sa prélogie et l’épisode VII m’avait également laissé assez dubitatif. Ton analyse est pertinente, très, mais elle oublie qu’un film repose aussi sur des qualités formelles. Je ne juge pas tant le projet du réalisateur que la manière dont il tente de parvenir à ses fins. C’est un mauvais film parce que les acteurs sont mauvais (enfin, c’est plutôt la direction d’acteurs qui n’est pas à la hauteur), les dialogues sont franchement sans intérêt et parce que le montage est bancal. Et moi j’en ai marre que sous prétexte de divertissement on soit obligé de se taper des films qui ont oublié ce qu’était réellement le cinéma. Il n’y a aucune émotion dans ce film, rien, les acteurs sont figés et ça franchement ça m’a empêché littéralement de rentrer dans le film.
Il est tout de même notable que Disney et Lucasfilm aient confié le scénario et la réalisation à une seule et même personne. Cela n’était pas arrivé depuis G. Lucas (sur Un nouvel espoir et sur La menace fantôme). Rian Johnson, qui a réalisé Looper (2012), ne rate d’ailleurs pas le scénario. Il est plus complexe que dans Le réveil de la Force (merci pour ça) et tu le dis, il n’est pas pire ou meilleur que les récits des premiers épisodes.
Pourtant, à la réflexion, mes réserves concernent d’abord l’écriture. J’ai tout simplement la vive impression que Les derniers Jedi a été écrit en réaction aux critiques faites au précédent épisode. Le VII de J. J. Abrams était simpliste, répétant les motifs déjà vus et rabattus (forcément depuis le temps) par les premiers films. Ici il y a une volonté de complexifier (même si est encore présente cette idée : le super-bélier qu’il faudrait exploser, nous est-il expliqué dans les dialogues, beh c’est un peu comme l’étoile noire). On suit donc ce groupe d’intrépides qui ratent tout (je trouve l’idée intéressante et plutôt rare dans la saga selon laquelle les vieux de la vieille -Carrie Fisher et Laura Dern en l’occurrence- ne font pas n’importe quoi et n’ont pas forcément besoin des plus jeunes et des têtes brûlées pour réussir) parallèlement à l’aventure de Rey (Daisy Ridley qui finira bientôt par me séduire) tantôt avec Luke (Hamill qui déçoit moins que ce qui est exigé de son personnage), tantôt confrontée à Kylo Ren (Adam Driver pas mal, son personnage étant certainement le plus intéressant car à présent le plus torturé).
Mais dans ce film, on a surtout l’impression que les décisions qui sont prises, le sont pour prendre le spectateur à contre-pied (tu utilises d’ailleurs le terme Manu). Il y a un côté très systématique dans le déroulé de l’action, dans les gestes et les dialogues des personnages. On attend beaucoup de Skywalker ? Et bien il commencera par balancer son sabre par dessus l’épaule (geste d’autant plus « fort » que l’était le dernier plan du Réveil de la Force). Yoda est le sage parmi les sages ? Et bien il pratiquera un autodafé sur les livres sacrés des Jedi tout en cabotinant (c’est bien dommage -mais là la remarque ne touche que moi- que les seuls bouquins vus dans toute la saga finissent brûlés). Snoke est la plus grande ombre de l’univers Star Wars, mystère insondable de la force obscure ? Il est détruit parce qu’il a commis une faute d’inattention. Bon, j’en passe… (L’impossible mort de Léia…) Cette multiplication de contre-pieds (auxquels on ajoutera quantité de pieds de nez) rend certaines attitudes ou parfois des scènes entières assez absurdes et l’ensemble de ce fait mal fichu.
En outre, Les derniers Jedi, à mes yeux, c’est l’anti- Rogue One. Rogue One n’hésitait en rien avec la mort. Il proposait une aventure parallèle comme une tangente à la trajectoire 1977-2005 capable de mettre un point final à une histoire et de faucher des héros qu’on ne reverra jamais. Là il y avait une véritable audace. Dans Les derniers Jedi, ce qui est dit, ce que je retiens notamment à travers la démultiplication de Rey (image d’une infinité de Jedi en puissance), le sens également de la dernière image du film (le plan sur un enfant), c’est que les Jedis du film ne seront pas les derniers, c’est que la Force, peu importe ce qu’elle est (croyance, résistance, feu intérieur ou paradis perdu, à moins qu’elle ne soit que la simple envie de faire du pognon -tout est question de point de vue-), elle ne mourra jamais.
Je n’ai pas trouvé le film déplaisant et certaines scènes sont plutôt réussies (la scène avec Snoke dans une mise en scène qui a, dans son épure rouge et noire, quelque chose d’original et de bienvenue). Mais je n’ai jamais pris de plaisir. Pas une scène qui m’ait réellement enthousiasmé (contrairement au Réveil -malgré ses défauts- et à Rogue One). Et je feins d’ignorer les Porgs (horripilants) qui par le nombre de plans qui leur est accordé pourraient en période de Noël remplacer les chattons du calendrier des Postes. Bon, une fois tous les défauts pointés du doigt, une fois la déception verbalisée (et c’est là que Disney ressort vainqueur), tout ça ne m’empêchera pas non plus de le revoir.
Petite question: vous avez vu le film en VO ou en français?
Pour parler des dialogues, encore faut-il le voir dans sa version originale. Un doublage n’a aucun intérêt si on veut parler de la qualité des dialogues et du jeu d’acteur.
Vf pour ma part c’est vrai. D’où la possibilité de le revoir ! (comme si j’avais besoin d’un prétexte)
Exact, je ne l’ai vu hélas en VF, et tu as raison de souligner ce point. Cela dit, aussi mauvais soit-il, le doublage n’est en aucun cas responsable de la piètre qualité des dialogues, ça relève purement de l’écriture. Mais c’est vrai que l’interprétation en pâtit. Cela dit je doute qu’en VO ce soit tellement mieux, j’ai vu la prélogie en VO et j’avais trouvé ça nul aussi (le casting était plutôt bon, c’était la direction d’acteurs qui était à la ramasse).
Rogue One était terre à terre et belliqueux. Une pièce rapportée sans réflexion ; mal filmée (cette première partie) et sans aucune ambition thématique. Au moins dans Les derniers Jedi, les péripéties du scénario (la jeune garde ne cesse de se tromper) s’articulent autour des thèmes de l’échec et de la désillusion, prise de distance inattendue dans un Star Wars. J’en parle dans ma critique. Ce n’est pas juste pour choquer le spectateur. Le traitement n’est pas toujours convaincant, c’est sûr, mais on peut saluer cette tentative de remise en question de certaines icônes. L’évolution de Leia et de Luke est symptomatique de cette tendance ; ils se sont dépris de tout ce passé chargé. J’aime bien le personnage de Leia dans ce film qui est devenu mélancolique.
PS : Une VF change souvent nombre de dialogues.
Oui, tu as parfaitement raison de souligner ces points positifs. J’étais furibard en sortant de la salle, du coup j’ai beaucoup noirci le tableau, mais effectivement tout n’est pas à jeter.
Je te trouve très sévère, il y a au moins une scène marquante dans le film, le vaisseau kamikaze de la vice-amirale, personnage aux cheveux violets. Ça a donné des frissons aux gens dans ma salle.
Que de déception avec ce « dernier Jedi » . Un ressenti très subjectif assez immédiat, il ne m’a pas fait rêver, ne m’a pas transportée. J’avais beaucoup aimé l’Episode VII qui renouait avec le mythe originaire de la saga , construisait son « renouveau » sur les strates transgénérationnelle du Nouvel Espoir, de L’Empire contre-attaque (sublime) jusqu’au Retour du Jedi, gardant ainsi une filiation avec la promesse d’une vraie « transmission ». J’attendais donc avec fébrilité ce nouvel opus. Ce ne fut pas la surprise espérée, la promesse de levées de mystères et de la dramaturgie attendue. Certes, rien à dire sur les scènes d’action, sur certains plans sublimes , sur l’introduction de créatures très esthétiques , mais le plus important comme un vrai scénario, et l’abord psychologique des personnages laisse à désirer ; notamment celui de Kylo Ren. Un humour qui lasse à travers ses répétitions, des scènes peu compréhensibles que pour ma part j’ai trouvé ridicules (les mêmes qui sont citées dans cet article). J’ai eu le sentiment douloureux d’un « enterrement » au lieu d’une renaissance. On ne crée pas quelque chose de nouveau en faisant table rase de toute transmission.
Concernant le jeu d’acteur, j’avoue avoir un seuil de tolérance assez élevé, tout comme en ce qui concerne les dialogues, je ne suis donc peut-être pas meilleur juge du sujet. La seule scène m’ayant véritablement dérangé étant le moment où Rose sauve Finn, que j’ai trouvée très cul cul la praline. Outre ça, le véritable élément négatif que j’aurai à reprocher à ce film c’est la musique. Elle est complètement oubliable.
Et s’il y a une chose qui fait la force de l’ancienne Trilogie c’est la bande originale de John Williams jeune. A cette époque, Williams voulait faire ses preuves. Il avait une composition très « classique », extrêmement référencée par la symphonie des planètes de Holst (la rythmique de base de la marche de l’empire y est carrément pompée). Chaque personnage avait un thème précis, et un peu comme dans un opéra, le thème revenait de façon récurrente à l’apparition du personnage en question, ce qui permettait à certaines séquences d’imprimer à jamais notre imaginaire. L’oeuvre de J. Williams est indissociable de la réussite de l’ancienne trilogie. En tant que fan, vous pouvez me passer 20 secondes de n’importe quelle partie de la BO de la trilogie originelle et je vous donne le moment précis ou elle est diffusée. Binary Sunset étant sans doute le passage qui me colle toujours le frisson, tant cette scène évoque l’envie d’aventure, le rêve et les espoirs de jeunesse. Thème que l’on retrouve précisément au moment de la mort de Luke, ou de son ascension je dirais. Cette façon de composer a complètement disparu depuis La menace fantôme. La composition de Williams ayant beaucoup évolué, les BO du I, II, III m’avaient laissé indifférent, car moins mélodiques et allant chercher les références vers la musique contemporaine. Hors mis peut-être le célèbre Duel of the fates, dernier grand thème de Williams pour Star Wars. Je n’écoute quasiment jamais cette BO.
Cependant je fais partie de ces gens que le VIII n’a pas laissé indifférent, grand dieu non. Voilà quelques raisons, non exhaustives : j’ai adoré les virevoltes de Poe Damron au milieu de la flotte de l’empire, je jubilais dans mon fauteuil (revoyez l’attaque de l’étoile de la mort en version non remasterisée, vous allez vous bidonner ou vous endormir, c’est au choix). J’ai adoré, Luke seul sur cette île battue par les vents, rongée par les flots, reflet de son agitation intérieure, presque aussi décrépit que les baraques de ses piètres habitants. J’ai adoré l’apparition de Yoda, et ses retrouvailles avec un Luke perdu dans une noirceur totale, que la flamme du vieil arbre jedi viens réchauffer tout comme les paroles de cette vieille marionnette si réconfortante, un doudou. J’ai adoré Leïa qui utilise la force, OUI je le clame haut et fort, je n’ai pas honte. Enfin !!! Cela justifie la phrase prononcée par Luke dans Le retour du jedi : « Mon père à ce don, j’ai ce don, ma sœur l’a aussi », et bon sang, c’est balaise mais c’est une Skywalker quoi !!! J’ai aimé la pourriture qu’est DJ, le personnage joué par Del Toro, jusqu’à la fin j’ai cru qu’ils allaient nous servir un énième gentil-méchant à la Han solo ou Lando Calrissian, non, lui il est juste pourri jusqu’à l’os, et terriblement contemporain. J’ai aimé cette planète du casino qui nous renvoie énormément aux années 30/40 et aux heures sombres du 20ème siècle. J’ai adoré BB8, et l’humour qui l’accompagne, là encore j’ai pas honte. J’ai adoré Kylo Renn et ce depuis l’Episode VII, parce que précisément ce personnage est bien plus profond qu’il n’y parait, il ne fait pas ce que les spectateurs attendent de lui (j’aurai adoré ce mec pour jouer Anakin). J’ai adoré le fait que Luke ne se batte pas, « Personne par la guerre ne devient grand », dixit Yoda dans l’Episode V (je précise que Yoda avec un sabre laser est une aberration que je ne pardonnerai jamais à Lucas). Tout le monde voulait le voir défourailler sabre au clair dans les rangs des Storm troopers, maintenant qu’on sait que ce sont des humains avec une conscience (Finn), il me plait de le voir utiliser la force de manière pacifique uniquement. C’est bien lui le dernier vrai Jedi lumineux. J’ai adoré la destruction de la flotte impériale et cette scène plongée dans un silence à couper le souffle. Personne ne bronchait dans la salle. J’ai adoré la planète minérale, avec ce sel rouge qui suinte au passage des vaisseaux et à chaque trace de pas. J’ai adoré voir ce qui reste de la rébellion tenir tout entier dans la soute du Faucon Millenium. J’ai adoré ne pas savoir qui est Snoke, parce que on est pas obligé de donner des réponses à tout tout le temps et de faire des origin story pour chaque personnage, le mystère est entier. J’ai adoré le fait que Leïa reste en vie , cette flamme de la rébellion, immortelle.
Pour moi c’est de loin le meilleur opus, depuis la saga originelle, parce qu’il apporte une réflexion nouvelle sur nos croyances, ce que l’on attend de nous, ce qu’il nous reste à faire quand on est au fond du trou… j’irai le revoir, et je serai ravi de le faire découvrir à mes gosses quand ils seront en âge. Tout comme je suis heureux de faire découvrir la première trilogie à l’ainé en ce moment, et comme il découvrira la prélogie par la suite. Aucun arc de la saga n’est à jeter ; chaque trilogie apporte sa pierre à l’édifice et son lot de nouveautés à l’univers Star Wars (et son lot de défauts), je ne connais pas mieux que la prélogie pour expliquer à un ado la montée au pouvoir d’un dictateur. Quel blockbuster (oui ce ne sont pas des films d’auteur) peut se targuer de ce genre de prouesse ? Mais sans doute suis-je bon public comme on dit ? Encore plus quand cela se passe dans une galaxie lointaine très lointaine, où le son et les flammes se propagent dans le vide, et ou les tie fighters sont capables de larguer des bombes sur d’autres vaisseaux en l’absence de gravité. 🙂 Je trouve les gens terriblement haineux en ce moment, pour tout, tout le temps, en particulier au cinéma. Moi-même je comptais prendre le temps de digérer le film, de l’assimiler, et je me retrouve à le défendre corps et bien alors que je n’ai pas le recul nécessaire pour le juger. Peut-être n’est t’il pas aussi bien que ce que j’en ai perçu au premier visionnage, et peut-être aurez-vous besoin d’un deuxième visionnage pour le juger sur d’autres arguments que la simple direction des acteurs. Que la force soit avec vous !
Jean-Paul je t’aime !
J’aime beaucoup le plaidoyer de Jean-Paul Kenobi, qui s’est d’ailleurs choisi un avatar de vieux sage (serait-ce finalement lui le dernier Jedi ?) Si j’avais ressenti un peu plus de sympathie pour le film, je lui aurais sans doute largement emboîté le pas, particulièrement pour les arguments développés dans le dernier paragraphe.
Je crois en fait que je suis déçu par cet épisode parce que j’ai le sentiment qu’il ne m’a amené nulle part, qu’il n’avait rien à annoncer. Lorsqu’on sortait de L’Empire contre-attaque, on se demandait ce qu’il allait advenir de notre cher Luke amputé, de ce qu’allait bien pouvoir faire Jabba de la dépouille « carbonitée » de Solo. Qu’espérer vraiment de la suite de l’épisode VIII ? S’il fait peu évoluer la philosophie initiale qui consiste à identifier le mal, contempler sa puissance et sa splendeur, sans pour autant se laisser succomber, c’est néanmoins dans cette voie qu’une lueur apparaît. Il y a chez Kylo Ren en embryon d’idée de ce point de vue, un parti-pris qui nous traverse l’esprit un instant, dans son dialogue atemporel et transdimensionnel avec Rey (réminiscence du gars de Looper sans doute) : il nous tend une main et on pourrait se dire, « et pourquoi pas ? » C’est quand même bien de lui que vient l’idée de faire table rase, de régler leur compte aux vieilles gloires qui bougonnent et ruminent leur spleen de Jedi en rupture de ban sur leur rocher croulant. Il est temps de changer de cap, d’inverser la polarité, de rendre folles nos boussoles manichéennes, de se lancer dans une psychomachie qui pencherait pour les couleurs sombres. Après tout, quand on joue au jeu vidéo, on est aussi ravi de tenir le double sabre de Dark Maul que celui plus ordinaire de Rey, sinon plus ? Ren pourrait bien réussir là où son grand-père a échoué. C’est tout le Mal que je lui souhaite dans le prochain épisode. J.J., c’est à toi de jouer.
A propos de John Williams, plus capable de chefs-d’oeuvre musicaux que Lucas n’a été capable de chef-d’oeuvre de cinéma (si toutefois il est possible de dissocier la musique des films de la saga), je rejoins tout à fait la remarque de Strum et le développement de JP (vrai que les travaux de Williams paraissent plus ambitieux encore sur la période 1977-1983, non pas plus mélodiques, je ne dirais pas ça, mais plus variés c’est certain, plus complexes, foisonnants, peut-être même plus longs en terme de durée -il faudrait vérifier-).
Une remarque de plus. Je m’y connais assez peu, voire pas du tout, mais Holst c’est déjà de la musique contemporaine non ? Sa Symphonie des planètes, c’est de la musique savante. Stravinsky s’en est inspiré. Et John Williams qui s’est inspiré de Holst (comme Wojciech Kilar s’est inspiré du morceau Mars pour le thème principal du Dracula de Coppola) est aussi allé chercher du côté de Stravinsky… et d’autres, notamment des compositeurs pour le cinéma. Ainsi, les premières mesures du Nouvel espoir, autrement dit le thème « Guerre des étoiles » par excellence, il l’emprunte à Korngold (musique de Crimes sans châtiment de Sam Wood, 1942). En fait, quand on sait que Korngold est le compositeur de Captain Blood (Curtiz, 1935) et des Aventures de Robin des Bois (Keighley et Curtiz, 1938 ; qui lorgne rythmiquement dès les premières mesures sur le Boléro de Ravel), on s’étonne peu de l’influence que ses musiques ont pu avoir sur Williams, Spielberg ou Lucas. On les imagine assez bien, en effet, amateurs de ces films d’aventures.
Et ce n’est pas ans intérêt que je note également l’admiration de Herrmann pour Holst ; ce qui permet dans une certaine mesure de lier le génial Herrmann au génial Williams et ça c’est plaisant.
Pour raconter le basculement de Ben Solo du côté obscur alors qu’il est encore sous la tutelle de Luke Skywalker, Rian Johnson propose trois versions de trois points de vue différents, un peu comme dans Rashomon (1950). La référence n’est pas nouvelle puisque Lucas comme Coppola admirait Kurosawa et on sait par ailleurs ce que l’imagerie impériale dans Star Wars doit aux samouraïs et à la culture japonaise. La proposition est donc plutôt bien sentie. Dans Les derniers Jedi, on imagine que ces trois versions ont pour but de semer un peu plus le trouble et de faire durer un certain suspense avant la vérité révélée par Luke dans la troisième version. Cette version -vraie réussite de Johnson- dit toute la complexité de la personnalité de Kylo et de sa relation avec Luke (sabres sortis dans une grande confusion et marquant l’effondrement des confiances réciproques entre le maître et le padawan). D’un point de vue méta, ces trois versions auraient pu illustrer quelque chose des intentions de chacun sur l’épisode, producteurs, spectateurs, réalisateur. Je ne crois pas toutefois qu’une telle lecture soit faisable. Peut-être le réalisateur aurait-il pu accorder à ces trois versions une valeur égale et ainsi laisser les spectateurs faire leurs propres interprétations… puisqu’ici Rian Johnson se réapproprie lui-même la saga…
Que de lecture ! Voilà ce que ça fait d’attendre le dernier moment pour voir un Star Wars.
Sans être aussi cruel, je me rectrouve dans la plupart des griefs. Sur moi le film a fait illusion durant le premier quart d’heure (humour compris’ comme si Abrams et Pegg étaient encore à la manœuvre). Une fois sur l’ile Avec Luke, ça cafouille. J’ai regardé la suite sagement et suis reparti un peu navré.
Je reviendrai pour éplucher les cols
De base, ce nouveau Star Wars ne m’invitait pas franchement à revenir sur ma retraite des salles obscures, d’autant que je trouvais qu’avec Le Réveil de la force, Disney s’était déjà royalement moqué du monde. Mais suite à la lecture de ta critique (par ailleurs fort bien écrite), succédant à celle très peu flatteuse que j’ai lu sur le site Critikat, je suis désormais certain de passer mon tour.
Mais en bon mélomane qui se respecte, je me suis rabattu sur sa bande originale, qui donne un fidèle aperçu de la nature profonde de cet épisode VIII. John Williams y muscle le thème de Rey (le seul réellement identifiable, avec peut-être celui associé à Poe Dameron), mais parvient visiblement pas à se soustraire aux thèmes fondateurs de la première trilogie qu’il rappelle inlassablement. Cette nostalgie musicale dans laquelle on l’enferme ou dans laquelle il s’est peut-être volontairement enfermé l’empêche de renouveler véritablement l’arsenal sonore comme il avait su si brillamment le faire sur une prélogie finalement bien plus mémorable d’un point de vue musical (Duel of the Fates de l’Episode I, Battle of the Heroes de l’Episode III).
Les endives prennent cher dans ton article… :oooooo
(comme tu sais, j’ai adoré le film et vu ton commentaire sur mon blog, je me doutais bien que ton billet serait violeeeeeeeent).
¡ Ojo ! écrivait mon professeur d’espagnol dans la marge de mes copies. Un auteur de la Kinopithèque peut en cacher un autre ! Même si je suis la plupart des reproches de mon camarade (et en particulier la capacité assez détestable de Johnson d’avoir étouffé chez nous, spectateurs sensibles, une flamme qui venait à peine d’être rallumée), le coup de l’endive n’est pas de moi.
Et pour faire une allusion à mes nouveaux pires ennemis, les Porgs, je salue l’expression parfaite de Princecranoir à leur propos, « mi pingouin, mi lapin crétin ».
Un porg, une balle….
Sinon, je savais pas qu’il y avait un comité de défense des endives cuites 🙂
Je vous invite à lire un article qui prends le contre-pied total de mon commentaire écrit précédemment « à chaud » et qui m’a ouvert les yeux sur certains aspect de cette nouvelle saga et surtout du traitement de ses personnages. Ce Star Wars 8 a je dois bien l’avouer, un double effet kiss cool. Un mois après l’effet de surprise passé , il me laisse malgré tout un léger goût amer …
https://filmexposure.ch/2017/12/21/les-derniers-jedi-le-nihilisme-cynique-contrattaque/