Michael Curtiz, 1961 (États-Unis)
François d’Assise est un des personnages du Moyen Âge les plus représentés au cinéma. Presque une quinzaine de films a été tournée sur Saint François entre 1897 et 2015 (soit environ moitié moins que de Jeanne d’Arc ou de Robin des Bois). La version très classique de Michael Curtiz figure, avec Les onze fioretti de Rossellini (1950), parmi les plus connues.
La biographie du saint ici entreprise est conventionnelle : de la jeunesse intrépide à la mort auréolée, le récit du vieux Curtiz (plus de 70 ans quand il réalise ce film qui est aussi son tout dernier) sert le récit de l’Église. Si par la radicalité de ses positions le Poverello put gêner de son vivant, l’Église eut tôt la main mise sur sa légende. François (1182-1226) est canonisé deux ans seulement après sa mort. La Vie de saint François commandée à Giotto et peinte peu de temps après sur les murs de la basilique d’Assise, à la fin du XIIIe siècle.
Dans le film, les tableaux de Curtiz profitent pleinement du Technicolor : dès le générique avec les fresques de Giotto justement, chez le marchand drapier (père de François), avec les chevaliers (les écus, les robes des chevaux et les étendards sont vifs et plein d’éclat) ou encore chez le souverain pontife à Rome. En dehors de ce flamboiement des couleurs et des épisodes convenus (la prison, les oiseaux, la grotte et les stigmates), on retient la place accordée à Claire d’Assise (Dolores Hart) dont l’amour, au grand dam du comte Paolo de Vandria (Stuart Whitman), vient renforcer la foi de celle qui fonde bientôt la communauté des Pauvres Dames, les Clarisses.
Michael Curtiz restaure la légende chrétienne au cinéma et son Saint François tend à une certaine exhaustivité. Il rapporte même le voyage en Égypte et l’échec de son audacieuse prédication face au sultan Al-Malik (après la prise de Damiette lors de la cinquième croisade). Il n’omet pas non plus bien sûr les débuts de la querelle sur la pauvreté au sein de l’ordre des Mineurs. La fin du film, où viennent s’inscrire dans le ciel les mots « Pax et bonum » (la formule de Saint François), fait le lien avec Faust (1926). En effet, Murnau achève son film sur le mot « Amour » : Faust au bout de ses mésaventures avec le démon se tourne enfin vers Marguerite et cet amour s’affiche haut dans le ciel et la lumière. Cependant, même si le film n’est pas sans intérêt, loin de là, Curtiz ne procure aucune extase ni rien de métaphysique. Son récit est bien trop sage et en définitive ce qu’il livre se résume à une simple hagiographie.
Tiens, je viens justement de voir la (merveilleuse) version de Rossellini, et j’ai comme l’impression qu’elle est une sorte d’antithèse au film de Curtiz…
Je suis aussi sur cette impression (et je m’attaquerai bientôt aux Onze fioretti ! Enfin… « s’attaquer » avec un nom aussi délicat que fioretti, n’est peut-être pas le mot qui convient).
En fait, à sa façon, le film de Curtiz me fait beaucoup penser à La Bible de Huston (1966).