Le moine

Dominik Moll, 2010 (France, Espagne)

A la suite de Luis Buñuel et de Jean-Claude Carrière, Dominik Moll et Anne-Louise Trividic adaptent Le Moine de Lewis (1796) mais scénario et mise en scène en affaiblissent le potentiel fantastique.

Par exemple, l’apparition de la nonne condamnant le péché de chair d’Ambrosio (Vincent Cassel, très bien en capucin pécheur) semble trop réelle pour entretenir le doute quant aux troubles du moine (ici, la neutralité de la mise en scène confond la vision du spectateur et celle d’Ambrosio). Cette même apparition ne peut en effet plus laisser envisager que l’union fiévreuse entre Ambrosio et la jeune fille masquée ait été un délire du religieux que la scolopendre avait envenimé. De plus, à l’effacement de ces ambiguïtés suit celui des possibles relations homosexuelles dont on croit deviner l’interprétation dans le roman de Lewis. Dans le film, Déborah François dénudée, même encore appelée Valerio, ne laisse aucun doute sur l’attirance hétérosexuelle d’Ambrosio. En contrepartie pourtant, Dominik Moll introduit un masque et ce visage figé augmente le mystère de l’intrigue (peut-être de façon plus simple et convaincante que s’il s’était agi de donner crédit à un personnage androgyne comme c’est le cas dans l’histoire originale).

L’incontinence qui perd le moine et le commerce entrepris avec le diable (pour la peau douce de Joséphine Jappy) rappellent les extravagances sataniques de Häxan de Christensen (1922). Dominik Moll recourt d’ailleurs parfois à des ouvertures et à des fermetures à l’iris qui créent élégamment un lien avec ces vieux films fantastiques. Les regards portés sur les reliefs sculptés (visage effacé ou scènes de la Bible) ainsi que les voûtes de Fontfroide participent aussi idéalement à l’ambiance. On regrette alors quelques facilités (les flammes de l’enfer et l’abeille qui butine) mais nous n’insisterons pas dessus.

En connivence avec le mystère chabrolien, le réalisateur de Harry, un ami qui vous veut du bien (2000) est un des rares français à savoir porter le surnaturel à l’écran et bien qu’il ait choisi de ne pas livrer dans l’adaptation tout le potentiel de la source (faisons fi de ses faiblesses), le charme gothique du film exerce malgré tout une certaine emprise.

5 commentaires à propos de “Le moine”

  1. Je n’ai pas lu le roman de Lewis mais je trouve que l’idée du masque est très bonne parce qu’elle participe à l’atmosphère d’étrangeté du film même si cela enlève donc une ambiguïté sur les orientations du moine.

  2. Bonjour Ornelune, ce film m’a enfin réconcilié avec Dominik Moll (j’avais détesté Un ami… et Lemming). Là, tout est réussi (la musique d’Alberto Iglesias est superbe) et puis c’est adapté d’un roman et pas un scénario original. Ceci explique peut-être cela. Bonne après-midi.

  3. En dehors de l’abbaye de Fontfroide, si le film s’est surtout fait en Espagne (l’Imdb ne cite que Madrid comme lieu de tournage), les remparts aperçus sont en revanche ceux du Fort de Bellegarde au Perthus (Pyrénées Orientales).

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