Mikhaël Hers, 2010 (France)
« Quelques êtres se rencontrent par hasard, forment un petit groupe, puis tout s’éparpille et se dissout… », la phrase extraite du court texte de Modiano convient tout aussi bien au film de Mickaël Hers qui lui emprunte son titre. Les mots anglais surprennent un peu pour un tel film, plutôt intimiste, si peu international. Mais le goût du réalisateur pour une pop douce sous influence anglaise renforce le choix du titre. Dans Memory lane, le groupe de copains musiciens s’applique d’ailleurs à jouer dans la cours d’école une pop molle et pas toujours juste. Mais à l’image du métrage, par sa délicatesse, parfois elle touche.
Le petit chemin de mémoire emprunté par le Sévrien Mickaël Hers passe par la banlieue des Hauts-de-Seine, entre Boulogne-Billancourt et Meudon. Quand il installe ses personnages* dans la verdure du parc Saint-Cloud, il leur offre un point de vue sur les beaux pavillons avec jardins ou bien, davantage enserrés dans la ville, sur des espaces couverts d’immeubles blancs et gris. Plantée au loin, en petit, la tour Eiffel. Le panorama face à eux est comme la projection de leur devenir symbolisé par un logement, triste ou cossu. Ils n’ont pas trente ans, font leurs premiers pas dans la vie active (la Fnac, la médiathèque) ou restent prostrés de ne pas trouver d’occupations. La précarité professionnelle se mêlent aux amours, aux inquiétudes et aux joies familiales. Les deux sœurs ont un papa malade. La femme de Cédric aura bientôt un enfant. Les mains de Christelle et Vincent s’effleurent ; on pense à celles de Xavier et Wendy qui tout aussi doucement s’étaient trouvées (Les poupées russes, Klapisch, 2005). Hers dresse le portrait d’une jeunesse mélancolique et hésitante. C’est aussi une jeunesse qui paraît protégée d’une certaine forme de violence : ils sont spectateurs de l’arrestation d’un voleur dans un magasin, regardent des ivrognes costauds s’énerver derrière la vitre d’un bus… Jamais les agressions physiques ne les atteignent. Enfin, d’autres courent, pas eux.
Hers suit ses personnages dans leurs longues marches. Rohmer de toute évidence (Marie Rivière !). Les rues, les parcs et les places de la périphérie parisienne sont traversées et, en travelling, le groupe d’amis erre sans jamais trouver sa place : ils sont de passage et dépriment à la piscine… Contrairement à Louise dans Les nuits de la pleine lune (1984) ou Félicie dans le Conte d’hiver (1991), ce n’est qu’exceptionnellement que ces jeunes gens lient leur banlieue à la capitale (pour une fête qui les ennuie mortellement…). Si l’image de Paris est celle d’une mégapole effervescente, la jeunesse de Memory lane n’a pas grande affinité avec elle et lui préfère les espaces vides…
* La bande de copains : Thomas Blanchard, David Sztanke (qui signe la BO), Lolita Chammah, Stéphanie Déhel, Dounia Sichov, Thibault Vinçon et Louis-Ronan Choisy (vu dans Le refuge d’Ozon, 2010).
Le film est dans la droite ligne des deux moyens métrages de Hers que j’avais beaucoup aimé : Primrose hill (déjà l’anglais) et Montparnasse. Mêmes acteurs, même ambiance, même St Cloud. Hélas, je ne pourrais en dire plus, le film n’est pas sorti par chez moi. mais je l’attends avec impatience.
Beaucoup citent ses moyens métrages, Montparnasse en particulier. Ils ont été très diffusés en salles ou à la télé peut-être ? Moi je ne les connais pas mais je serais curieux… Sans qu’il s’agisse d’une critique négative, Jérémie Couston pour Télérama dit qu’il a distillé ses anciennes réalisations dans Memory lane.
Je les ai découverts en festival et puis je les ai diffusés moi-même sur Nice. je ne sais pas s’ils sont sortis en salle « normalement », à part Paris peut-être. Montparnasse donnait vraiment l’impression de gammes. De ce que je sais sur Memory Lane, je pense qu’il est plus proche de Primrose hill. Quand on regarde la distribution et l’histoire, on peut sans doute penser comme J. Couston.