Ronit Elkabetz et Shlomi Elkabetz, 2008 (France, Israël)
Israël en 1991. Les sept jours sont sept jours de deuil durant lesquels, selon la tradition juive, après l’enterrement, toute la famille reste enfermée dans la maison du mort pour se recueillir et le pleurer. Ronit et Shlomi Elkabetz font le choix pour ce huis clos d’une mise en scène épurée et valorisent dialogues et personnalités. Ces sept jours de relations humaines agacent un peu (les plaintes et les cris des femmes agenouillées sur la tombe de l’être perdu) et petit à petit nous amènent à penser que le film est triste comme des cernes de fatigue sous les yeux. L’ensemble est baigné dans des tons blanc, gris, noir, et des touches très pâles de bleu ou de vert. Mais étrangement jamais le film ne nous indiffère. L’humour point discrètement en même temps que le rose vif d’un foulard au cou d’une femme qui cherche à plaire. Puis, vient l’étonnement que suscite une très longue dispute familiale. Elle éclate après de nombreux apartés sur des projections amoureuses, des solutions à apporter à d’importants problèmes financiers et surtout après maintes hypocrisies. La tradition est parfois mise de côté et quelques interdits enfreints (pas de rire, de musique, de plaisir), la mémoire du défunt bafouée. Entre les couloirs nus de la maison, les regards croisés et les confidences maintiennent les relations très tendues. L’extraordinaire engueulade filmée en un seul plan-séquence est une douloureuse libération pour tous. Des sœurs, des frères, des fils paraissent irréconciliables à la fin de cette cohue verbale. Cependant, une sirène retentit (la toile de fond est la guerre d’Israël contre l’Irak), les bombardements reprennent et tous partent s’isoler dans une étroite chambre. Ils y sont à nouveau unis : Vivianne, Meir, Eliahou, Haim, Ilana, Jacques, Simona, Ben Loulou et les autres (Ronit Elkabetz, Albert Illouz, Yaël Abecassis, Simon Abkarian, Hanna Laslo, Moshe Ivgy, Keren Mor, Alon Aboutboul, Evelyne Hagoel, Rafi Amzaleg, Hana Azoulay Hasfari, Gil Frank, David Ohayon…).
La première scène résumait déjà les relations au sein de cette famille, une grappe d’individus, liés par le sang et par les pleurs. A cause d’une alerte, ils sont contraints de porter de gros masques à gaz et l’image semble alors parfaitement témoigner de leur difficulté à communiquer. Seule la vieille mère n’en porte pas et garde un « visage ouvert », comme si elle était capable de tous les écouter et de tous les comprendre. A la fin, c’est elle qui rétablit l’ordre d’une surprenante gifle et permet au défunt d’être correctement pleuré. Lors d’un dernier plan, la famille se déplace en grappe face caméra et, au fur et à mesure qu’ils avancent, disparaissent par le bas de l’écran, laissant apparaître derrière eux le cimetière. Les réalisateurs condamnent-ils de cette façon la tradition israélienne et ces impossibles relations ? Ronit et Shlomi Elkabetz, dont c’est le second film (Prendre femme, 2005), portent un regard tendre sur les personnages mais très sévère sur leurs échanges. Ce film, qui donne à voir un petit bout de la culture israélienne, est dans son ensemble assez remarquable et, durant son dernier tiers, inouï.