Le retour de Mary Poppins

Rob Marshall, 2018 (États-Unis)

Rob Marshall a dû renoncer aux bas résilles et au galbe incandescent de jambes interminables, tout autant qu’au boulevard sur musique suédoise. Plus rien de vulgaire n’est permis pour Le retour de Mary Poppins. Frimousse à nettoyer, gilet à réajuster, col à reboutonner : tout doit être impeccable. Emily Blunt avec son air malicieux est elle-même assez parfaite pour succéder dans le rôle à Julie Andrews (qui, en même temps que Poppins sortait sur les écrans, prêtait de son côté sa voix à la bestiole marine chevauchée par Aquaman).

Dans cette suite aux allures de remake, les chorégraphies ne sont pas toutes inspirées (parfois plus de gesticulations que de danse comme dans le ballet des allumeurs de réverbères) et une seule écoute ne suffit pas toujours pour que les chansons de Scott Wittman et Marc Shaiman restent à l’oreille. Pourtant, le grand soin porté à l’ensemble (les décors, les personnages) et surtout toute la fantaisie qui s’en dégage font de cette comédie musicale une petite réussite. On peut bien sûr évoquer la folie que consacre Meryl Streep à son personnage de cousine Topsy ou le plus discret David Warner en amiral Boom, le détonnant gardien de la ponctualité londonienne. C’est cependant l’aventure de la coupe en porcelaine dans laquelle Poppins entraîne les enfants qui est le plus emballante. Rob Marshall y fait le choix de mêler, comme dans la première adaptation de Mary Poppins (Stevenson, 1964), prises de vue réelle et animation traditionnelle. Le dessin est crayonné et apparent comme dans les anciens Disney et, par ailleurs, d’autres éléments dans le film nous y ramènent : la traversée des bois n’est pas sans rappeler ceux tout à fait lugubres de Blanche Neige (Hand, 1937), les toits et les pavés de Londres ceux de Paris des Aristochats (Reitherman, 1970) et les méthodes de rangements de Mary Poppins celles de Merlin (Reitherman, 1963).

Sur le fond pas grand chose à signaler, quoique deux trois remarques sont quand même nécessaires pour revérifier la palette de couleurs. On regrette qu’une telle place soit accordée à la banque du début à la fin du récit : des vilains huissiers à la réconciliation avec le patriarche, on a l’impression d’une réaffirmation de la confiance accordée dans le système financier malgré un épisode de crise regrettable mais finalement pas si terrible (même la famille s’appelle Banks !)… C’est pourquoi, en gardant cette toile de fond à l’esprit, quand Mary Poppins nous invite comme Alice (1951) à franchir le seuil de territoires extraordinaires (passage de porte miniature, irruption de dessins dans le réel, pesanteur abolie), du vert espoir de la famille Banks au rose final de la sucrerie consommée, l’appel au rêve et à la croyance en la magie prennent tout d’un coup la couleur vert poison de l’enfumage. Que ces réserves n’empêchent pas d’accepter l’invitation, en version originale et en famille, le spectacle Disney pourra sans peine s’apprécier, mais toujours à condition de se méfier des loups.

2 commentaires à propos de “Le retour de Mary Poppins”

  1. Je te trouve sévère. Si on fait abstraction de cette question bancaire sur laquelle j’insiste un peu et qui il est vrai m’agace assez, le film possède une fantaisie certaine et les acteurs, Emily Blunt en tête, sont plutôt plaisants. Par ailleurs, le style Marshall, la comédie musicale façon Broadway, est reconnaissable.

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