Pete Docter, Bob Peterson, 2009 (États-Unis)
Deuxième long pour Pete Docter (Monstres & Cie, 2002), premier essai à ce poste pour Bob Peterson (chacun ayant posé sur son épaule la main du producteur Lasseter), Là-haut n’a pas besoin d’une technologie qui, depuis les années 1950 et pour la troisième fois, tente (comme la très coûteuse HD) de conquérir l’espace cinématographique moderne. La 3D des lunettes polarisées (qui ont aujourd’hui remplacé les lunettes rouge et bleu*) n’amène ni grande sensation, ni davantage d’intérêt (de « relief ») à la matière numérique du film. Si haut, les gratte-ciel au bout des orteils, puis au-dessus un plancher de cumulonimbus, la perspective d’avoir le vertige ou l’impression de voler s’ouvrait devant nous. Malheureusement rien d’aussi efficace avec la 3D de Up qu’avec la spidercam de Sam Raimi qui nous faisait plonger avec son héros entre les immeubles géants de New York (Spider-man, 2001). On se contentera par conséquent de quelques effets de profondeurs sur les paysages et d’un museau de doberman prêt à renifler le spectateur jusque sur son fauteuil… On se dit par ailleurs qu’il était temps pour Pixar de profiter de ce nouvel assaut de la 3D**, assurant une mise à jour quant à sa façon de faire et cela sous l’égide (ou plutôt avec la bourse) des studios Disney dont les dirigeants n’ont jamais été contre troquer quelques feuilles de celluloïd contre une troisième dimension (Tron de Steven Lisberger date de 1982). Pour l’envahissement de la salle par le film, nous attendrons…
La perte d’un être cher comme thème principal est neuf chez Pixar et lointain chez Disney (Bambi, Walt Disney, David Hand, 1942). Malgré une mélodie de piano insistante et forçant légèrement la tristesse du spectateur, Docter et Peterson abordent le thème avec tendresse et finesse. Le vieux Carl Fredricksen (un cousin de Geri, Le joueur d’échecs de Jan Pinkava, 1998) a perdu Ellie, la femme avec laquelle il a partagé toute sa vie. La maison qu’il habite renferme tous leurs souvenirs à ce point qu’elle devient le symbole même de sa compagne (ne s’adresse-t-il pas à Ellie en se tournant vers la bicoque ?). Carl et Ellie ont toujours souhaité partir à l’aventure en Amérique du Sud, aux chutes du Paradis (aussi pour atténuer la douleur d’une envie plus forte mais insatisfaite). Jamais ils n’y parviennent, c’est pourquoi après le décès de sa femme et brusqué par les événements, Carl fait de sa maison un vaisseau volant pour l’emmener jusqu’à ces chutes d’eau qui, au-delà du ciel, sont bien un bout du paradis (comme dans [intlink id= »king-kong » type= »post »]King Kong[/intlink] ou dans la plupart des histoires qui entraînent les héros aventuriers sur des sites merveilleux, une tempête se déclenche et sert de porte d’accès à cet autre monde). Ainsi, le dernier plan est celui de la maison-Ellie reposant en paix au-dessus de l’immense cascade. Un petit scout et de drôles d’animaux aident le vieux bonhomme dans son périple (il lui faut « tourner la page » et continuer de vivre, « Up » !) et tristesse et nostalgie sont bien vite rattrapées par l’humour et l’action présents durant tout le film.
Après avoir fait des hommes de gros et stupides consommateurs perdus dans l’espace ([intlink id= »wall-e » type= »post »]Wall-E[/intlink], Andrew Stanton, 2008), Pixar nous ramène sur Terre sans vraiment nous la faire toucher. Très joli film pour un sujet qu’il n’est pas simple d’aborder avec les enfants.
* Lire le dossier « Le relief à l’offensive », dans les Cahiers du cinéma, n° 647, juillet-août 2009, p. 8-29.
** [intlink id= »voyage-au-centre-de-la-terre » type= »post »]Voyage au centre de la Terre[/intlink] d’Eric Brevig pour Disney en 2008, Monstres contre aliens de Rob Letterman et Conrad Vernon pour Dreamworks, [intlink id= »lage-de-glace-3-%e2%80%93-le-temps-des-dinosaures » type= »post »]L’âge de glace 3[/intlink] de Carlos Saldanha pour la Fox, Coraline d’Henry Selick et d’autres à venir nombreux en 2009.
Notons tout au bas de cette note une curiosité, le doublage de Carl assuré par Marc Cassot (Michael Gambon-Dumbeldore dans Harry Potter ou Ian Holm-Gimli dans [intlink id= »seigneur-des-anneaux-la-communaute-de-lanneau-le » type= »post »]Le seigneur des anneaux[/intlink]) dans les bandes annonces et fait par Charles Aznavour dans le film. J’imagine que le doublage d’Aznavour n’était pas encore fait lorsque les bandes annonces ont commencé à circuler en France.
Je ne me permettrai pas de commenter l’aspect 3d ne l’ayant vu que dans L’âge de glace 3, le procédé m’a semblé relativement au point sur ce dernier, avec toutefois de grosses faiblesses côté travelling latéral.
Concernant la forme, je crois que l’on peut dire que Pixar maîtrise le sujet, avec un style bien à eux, mi-cartoon mi-film. Les équipes ont une maîtrise des expressions impressionnante ! Mais, car il y a un mais, l’on ne vient plus voir un Pixar pour admirer les pixels, aussi nombreux soient-ils, on y vient aussi pour le fond. Et là, malgré un ensemble très satisfaisant, avec une mention pour la séquence sans aucune parole présentant la vie de M et Mme Fredricksen, et des gags très drôles, j’ai trouvé à ce 10e Pixar un petit goût excessif de Disney. Des chiens qui parlent, ça ne me dérange pas mais là, j’ai trouvé ça trop en décalage, la créature mystérieuse sans trop de caractère, et le méchant insipide ou pour le moins sans accroche. Disons, pour conclure, que j’aurais sans doute préféré que l’on se rapproche d’un Ghibli que d’un Disney au vu du pitch et que j’ai sans doute été un peu déçu…