Valérie Donzelli, 2011 (France)
L’absence de naturel participait au charme de La reine des pommes. Dans La guerre est déclarée, la deuxième réalisation de Valérie Donzelli, l’histoire, plus grave, plus autobiographique, a demandé un travail plus abouti. L’histoire a certainement dicté toutes les initiatives et l’ambition n’était donc plus la même. De plus, le récit ne devait souffrir d’aucun accroc : approximation du jeu ou des dialogues, grotesque des situations, bref tout ce qui offrait sa fantaisie à La reine n’était plus permis.
Pour raconter leur couple (Roméo et Juliette) et leur guerre, à savoir la vie réinventée autour de la maladie de leur enfant, Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm trouvent le bon ton : écarter tout pathos et parfois, à l’inverse, s’autoriser des moments purement égoïstes pour se préserver du drame ou du moins essayer. Jamais cet égoïsme assumé ne contredit ni leur amour ni leur investissement de parents à l’égard de leur enfant et cette attitude rarissime est parfaitement salutaire dans pareil récit (ce dernier appelle généralement l’héroïque sacrifice de l’individu au profit du souffrant). Donzelli et Elkaïm accordent ensuite ce ton au bon rythme, celui sur lequel les sentiments filent à toute allure et emportent tout. Malheureusement le rythme et le ton sont rompus à deux reprises et ces deux saccades difficiles à oublier abîment le film.
C’est en premier lieu une séquence que l’on pressentait magnifique mais qui finalement avorte : celle de L’hiver avec sa tension et son éclatement à l’annonce d’un mal qui n’était jusqu’à présent que redouté. L’extrait du concerto n’est pas le plus original à cet endroit mais il renforce l’intensité tout en nous soulevant le cœur… Un bref instant toutefois car, durant cette même séquence, l’effondrement successif et appuyé des personnages qui apprennent la mauvaise nouvelle produit un effet bien maladroit. Le pire réside dans la triple réaction de Roméo : il tombe les genoux à terre, casse sa bouteille de rage et se jette sur les portes d’un garage pour les tambouriner. La séquence, nous semble-t-il, a manqué par quelques coupes sa perfection au montage. La seconde saccade n’est pas très éloignée de la première dans le scénario : c’est la chanson de Bioley, Ton grain de beauté, chantée par les acteurs. Elle n’est pas bonne, en tout cas ne convient pas dans le film. Seule erreur d’une bande originale éclectique (Jacqueline Taïeb et La fac de lettres, Yuksek avec Break Ya…) qui pour le reste soutient le récit dans sa fuite.
Ce ne sont en définitive que deux ou trois minutes qui gênent et cela concerne certainement un des passages les plus délicats à raconter. Mais peut-être est-ce justement aussi parce que c’est l’articulation la plus importante qui a été manquée (la confirmation de la maladie de l’enfant et l’amour du couple malgré tout réaffirmé) que le film ne parvient pas tout à fait à nous procurer le plaisir attendu. La guerre est déclarée reste pourtant séduisant à bien des égards : par exemple le couple d’acteurs et surtout cette fuite en avant qui tout le temps nous projette et nous fait espérer.
Un sujet grave traité avec vitalité et optimisme.
d’accord sur les passages problématiques, la fin m’a mis mal à l’aise également. C’est vrai qu’il ne s’agit que de quelques minutes mais elles sont importantes. On remarquera tout de même que la scène d’annonce de la maladie arrive après une remarquable introduction. Alors qu’on sait déjà ce qui ronge l’enfant, la mise sous tension du spectateur marche à plein : malgré le rythme effréné, on a le temps de s’attacher aux personnages, de rire, et ressentir le sentiment des deux parents qui ne veulent pas céder à une inquiétude (qu’ils estiment alors) disproportionnée.
Oui, tout le reste est plein de qualité, la rencontre amoureuse du début et toute l’histoire de leur relation rendue extraordinaire. Même la fin pour ma part, quand le couple autour de l’enfant paraît toujours uni alors que la voix off nous renseigne du contraire.