Adolfo Alix Jr., 2011 (Philippines)
Au-delà de l’histoire étrange d’une femme qui accouche d’un poisson, Fable of the Fish est avant tout un conte sur l’amour parental.
Promener un aquarium dans une poussette, insister pour baptiser un animal, supplier les médecins de l’hôpital de sauver un poisson… Ces scènes, sorties de leur contexte, provoqueraient inévitablement le rire. Fable of the fish est pourtant loin d’être une comédie. L’intérêt démesuré que Lina, l’héroïne, porte à ce poisson s’explique par le fait qu’il est son bébé. Oui, son bébé. Ce drame, bien au-delà du simple récit farfelu d’un couple parent d’un poisson, est une fable, la Fable du poisson.
UNE NUIT D’INONDATION
L’intrigue du film s’écoule comme celui d’un conte. Dans un bidonville des Philippines, glauque et nauséabond, encerclé par des amoncellements de détritus, un couple proche de la cinquantaine n’a que son amour comme richesse. La femme désire devenir mère. Ses prières sont exaucées, mais Lina accouche, une nuit d’inondation, d’un nouveau né différent des autres : il n’est pas humain. Son fils, Miguelito est un simple milk-fish, le poisson national philippin. La prouesse du réalisateur est de faire croire à l’absurdité de cet enfantement. Les journalistes se précipitent dans le bidonville où vit l’étrange famille, donnant ainsi du crédit à cette histoire incroyable. Fable of the fish, par son réalisme bluffant, malgré l’aspect fantastique que constitue la mise au monde d’un poisson, conte une légende urbaine.
LE POISSON DE LA DISCORDE
Comme dans toute fable, l’histoire, où un animal joue un rôle important, est ponctuée par une leçon de morale. La différence et l’anormalité sont-elles vaincues par l’amour parental ? Lina aime Miguelito, son “fils”, même s’il est constitué d’écailles et d’arêtes, et non de peau humaine et d’os. Elle est prête à tout pour son enfant et n’aspire qu’à le rendre heureux. Le père, Miguel, a une réaction inverse : il a peur du regard des autres, il n’accepte pas ce poisson qui ne lui ressemble pas, ne le considérant pas comme son fils. Il se sent humilié, et rejette son rôle de père, au détriment de son couple. Il continue même à manger discrètement du poisson. Pourtant, Adolfo Borinaga Alix Junior glisse de petits détails qui suggèrent un amour paternel, dissimulé par l’orgueil masculin de Miguel. En fin de compte, peu importe la différence, l’amour parental sera toujours aussi fort.
ENTRE RIRES ET LARMES
Le charme de ce film réside dans sa capacité à nous faire croire à ce conte. Le réalisme est tel, qu’au lieu de constater l’irrationalité, le spectateur se laisse naïvement entraîner : la légende urbaine devient un fait divers sensationnel et fabuleux. La séduction de Fable of the fish ne s’arrête pas là. Même s’il s’affirme comme un drame, le spectateur ne peut s’empêcher de sourire, voir d’étouffer ses rires, face à des scènes volontairement burlesques, dans un univers sombre et tragique.
Mathilde Pichot, pour la 33e édition du Festival des 3 Continents.