Et après

Gilles Bourdos, 2009 (Canada, France)

La mort rôde et s’invite dans les salles obscures cette semaine : la vieillesse et la misère dans Un homme et son chien de Francis Huster (« Douce, elle apaisera sur sa poitrine nue mes paupières brûlées, ma gueule en parchemin […] Et n’allez pas confondre et l’effet et la cause, la Mort est délivrance, elle sait que le temps… Quotidiennement nous vole quelque chose, la poignée de cheveux et l’ivoire des dents »*), la maladie, la rédemption et le suicide dans Sept vies de Gabriele Muccino (« Le Temps, c’est le tic-tac monstrueux de la montre. La Mort, c’est l’infini dans son éternité. Mais qu’advient-il de ceux qui vont à sa rencontre ? Comme on gagne sa vie, nous faut-il mériter… La Mort »*) et le mystère de l’après-vie dans Et après (« La mienne n’aura pas, comme dans le Larousse… Un squelette, un linceul, dans la main une faux. Mais, fille de vingt ans à chevelure rousse en voile de mariée, elle aura ce qu’il faut… La Mort (…)»*).

Dans son enfance, Nathan s’est fait violemment renverser par une voiture, le tuant sur le coup. Pourtant, miraculeusement ce dernier est revenu à la vie. Peu après, il raconte son expérience de mort imminente, les fameuses N.D.E. (« Near Death Experiences »), avec le couloir de lumière, la sensation de flotter au dessus de son corps et de tout voir, un grand sentiment de bien-être, d’apaisement… A la différence près que Nathan était bel et bien déclaré mort. Vingt années se sont écoulées, le Français est désormais un brillant avocat à New York et spécialiste dans l’indemnisation des victimes de catastrophes (crash d’avion par exemple). Malgré sa terrible, mais néanmoins magique, expérience, il semble être devenu beaucoup plus terre à terre et pragmatique. C’est alors que son passé resurgit avec l’arrivée d’un étrange médecin qui s’occupe de l’accompagnement de mourants, le Dr Kay. Ce dernier l’aborde de manière très énigmatique, sans dévoiler précisément ses intentions et le but réel de sa visite, ce qui agace Nathan. Lors de leur deuxième rencontre, il révèle à l’incrédule avocat qu’il a le don de voir arriver la mort sur des personnes qui lui sont inconnues, celles-ci étant entourées d’une sorte de halo blanchâtre…

Malgré son titre, Et après n’est pas une œuvre basée sur la vie après la mort ou la vie après la vie si vous préférez. Comme le dit le Dr Kay lors d’une conversation avec Nathan : « peu m’importe de savoir où vont les personnes après la mort, ce qui compte est de prendre conscience de notre mortalité pour vivre pleinement ici et maintenant, tous les jours ». Et après ne sera pas forcément le film de l’année, mais reste, selon moi, un très bon moment de cinéma quelles que soient toutes les critiques assassines que j’ai pu lire à son sujet. Tout est toujours une question de goûts et de subjectivité évidemment… Pour ma part, je me suis laissé facilement emporté par l’ambiance et l’atmosphère toute particulière créée par des images très esthétiques et une musique (signée Alexandre Desplat) bien adaptée au sujet, qui parfois m’a fait penser à celle de Rencontre avec Joe Black (Martin Brest, 1998), un film sur le même thème de la mort… Et de l’après.

Le seul reproche que je ferais est que Gilles Bourdos a trop tenu à illustrer les visions prémonitoires du Dr Kay : il y a beaucoup trop de morts en peu de temps et ça décrédibilise un peu le sujet. Ainsi, en quelques jours Nathan va assister au suicide d’une personne dans le métro, à un accident domestique électrique mortel, à un braquage de banque qui tourne mal, à un accident de voiture, etc. Cela fait un peu beaucoup ! Même si ça peut s’expliquer lors de la révélation que fait à la fin le docteur à l’avocat.

La rencontre entre Romain Duris et John Malkovich est très réussie et le duo fonctionne bien, même si je dois reconnaître que l’Américain impose davantage de charisme. Romain Duris retrouve après Paris un autre rôle qui le lie avec la mort : hasard, coïncidence ? Quant à John Malkovich, il est omniprésent ces derniers temps : en quelques semaines à peine on l’a vu dans L’échange de Clint Eastwood (2008), Burn after reading des frères Coen (2008) et aujourd’hui dans la peau de ce docteur. Et de ces trois films, même si celui-ci paraît d’un niveau inférieur aux deux autres, c’est pourtant ici qu’il crève le plus l’écran, ayant aussi bien plus de place pour exprimer tout son talent. Une profonde sagesse émane de sa personne et sa présence est impressionnante : à travers son regard se lit toute sa bonté, son empathie, son intelligence et sa douceur… A noter également la belle performance d’Evangeline Lilly (issue de la série Lost).

*Ne chantez pas la mort, texte de Jean-Roger Caussimon, interprété par Léo Ferré.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*