Emilie Cherpitel, 2015 (France)
Eva qu’interprète la belle Clotilde Hesme profite de la vie comme elle l’entend. L’argent d’une famille très aisée, avec grand domaine et domesticité, lui autorise insouciance et frivolité. Tout comme Audrey Hepburn dans Breafkast at Tiffany’s, elle est légère… en apparence. Un beau jour, à la terrasse d’un café, le hasard organise à son intention une rencontre avec un garçon. Léon, l’aiglon, fils de Napoléon (Florian Lemaire), a onze ans et ne manque pas d’imagination, surtout quand il s’agit de se débrouiller seul après avoir fugué d’un orphelinat. Alors s’asseoir à la table d’une jeune femme et se faire inviter pour un chocolat chaud, ça s’improvise sans tergiverser. On a presque l’impression d’un Demy lors de ces premières scènes, la fable réaliste ou le quotidien empreint de merveilleux, des personnages pétillants et malicieux, des couleurs et une lumière vives, cependant, malgré tout, des préoccupations que l’on devine plus graves et des êtres plus tristes qu’ils ne paraissent.
Léon est né sous X et s’il a fui son foyer, c’est pour retrouver sa mère. Eva trouve Léon ou inversement et leur relation à tout deux les réconforte. A la princesse altière et à l’enfant livré à lui-même, le récit ajoute autour d’Eva une sœur angoissée, un voisin raisonnable et attentionné, un amant distant et égoïstement désireux… Qu’ils s’associent ou que tout les oppose, comme dans un conte, Émilie Cherpitel pense et crée ses personnages par paires (Eva et Léon, Eva et sa sœur, John et Simon…). Sans perdre de vue leurs douleurs, la réalisatrice offre encore à Eva et Léon un voyage exotique (la scène dans le train est une aventure à hauteur d’enfant) et à la fin, ce que l’on pourrait sans peine appeler ici, un trésor.
Un mot sur le casting, plutôt étonnant et bigarré : Clotilde Courau, Yannick Choirat, Keziah Jones, Peter Coyote (le père en son château) et Frédéric Beigbeder (hôte mondain d’une réception années folles)… Des acteurs qui viennent d’univers très différents, comme d’ailleurs les réalisateurs auprès de qui Émilie Cherpitel a travaillé puisqu’elle a été assistante réalisatrice pour Guillaume Gallienne, Ridley Scott, Sofia Coppola, James Ivory ou à nouveau Beigbeder. L’échappée belle a bien ses petits défauts. La réalisatrice épure son histoire d’explications ou de répétitions (son film ne dure qu’ 1 heure 10), alors une ou deux choses arrivent de façon un peu abrupte, des transitions ou des raccords sont un peu secs. Toutefois, rien n’empêche vraiment d’apprécier ce premier film. En outre, au générique de fin, on entend Bella Ciao (ce qui rend le film plus aimable encore), une chanson faussement légère (interprétée par Clotilde Hesme), comme L’échappée belle, joyeux et mélancolique.