NOUVELLE AIRE DE JEU HOLLYWOODIENNE A ROCINHA
Avec L’incroyable Hulk (Leterrier, 2008), Universal avait déjà produit un film de divertissement prenant pour décor Rocinha, la plus grande favela de Rio (il en existe plusieurs centaines autour de la ville). Pour le cinquième épisode de Fast and furious, avec équipe et matériel, Justin Lin part à son tour à Rocinha afin d’y tourner, dans les ruelles et sur les toits, une course-poursuite folle, encore dynamisée par le montage.
Une planque exotique chez les pauvres
Dans une précédente note*, nous avions déjà essayé de comprendre pourquoi ce bidonville intéressait scénaristes et producteurs à Hollywood. Nous en déduisions que le lieu (encore peu présent dans les esprits et sur les écrans) constitue à la foe Chine vue par un Italien.
L’ouvrier dépossédé de son usine va en Chine pour récupérer une identité personnelle malmenée et découvre l’altérité par l’ailleurs. Le réalisateur a trouvé un équilibre entre un itinéraire individuel, qui est à peine un récit, et des lieux, dont il a simplement souligné les traits par des « lignes claires ». Ce film m’a permis de comprendre que, pour transis une périphérie retirée s’accordant idéalement avec la situation de héros fugitifs (Hulk ou Vin Diesel) et un site visuellement surprenant pour le spectateur (figé dans son confort et réduit à une forme de tourisme passif). Le géographe Rémy Knafou rappelle qu’en 1964, dans L’homme de Rio, Jean-Paul Belmondo trouvait aussi refuge « dans une baraque en tôle, évidemment celle située au sommet de la favela, avec vue sur la mer et sur l’agglomération »**. Le personnage de Belmondo avait les mêmes besoins que Hulk ou Vin, faire une pause au cours de ses péripéties, si possible à l’écart de tout, pourquoi pas dans un taudis.
« Désir facile d’aventure ? »**
Le problème posé par ce nouvel attrait cinématographique pour des lieux pauvres n’est pas de les faire apparaître à l’écran (ce que les Brésiliens font d’ailleurs eux-mêmes à travers films et séries). Le problème réside dans le profit tiré de ces images spectaculaires. Dans les films cités, l’industrie cinématographique dominante transforme les lieux de vie de populations démunies en espaces récréatifs pour les spectateurs occidentaux. Elle génère ainsi de l’argent à partir d’une pauvreté qu’elle semble mépriser.
* Coin géo : une favela brésilienne (L’incroyable Hulk, 2008).
** Rémy Knafou, « Touristes dans les bidonvilles : après la télé réalité, le ‘tourisme réalité’ » sur Géoconfluence, dans le dossier Les nouvelles dynamiques du tourisme dans le monde, février 2011.
Le seul véritable et légitime film (d’ailleurs excellent) ayant été fait dans une favela est La Cité de Dieu (2002).
Et Cidade de Deus est un bidonville de Rio.