Sergio Andrade, 2012 (Brésil)
LA FORÊT, UNE ETAPE VERS LA MATURITÉ
Le film de Sergio Andrade présenté pour la première fois en 2012 au Festival du Film de Rio explore le périple mystique d’un jeune brésilien dans les méandres de la forêt amazonienne.
A floresta de Jonathas est un film engagé traitant des nombreuses ambivalences qui rythment le passage à l’âge adulte. Le film, dans un cadre naturel omniprésent, est un hommage à la région de l’enfance du cinéaste. Un décor oscillant entre exotisme et mysticisme. L’argument est nourri par les rapports humains, mais aussi par les effets de la modernité sur un territoire profondément ancré dans ses traditions. C’est à partir de ce constat que le réalisateur introduit Jonathas, un jeune garçon récoltant et vendant des fruits avec son père et son frère dans une petite cabane au bord de la route. C’est dans cette situation que les deux frères vont faire la connaissance de Milly, une voyageuse ukrainienne et de Kedassere, un Indien avec qui ils partent camper pour le week-end. Cette expédition au cœur de la forêt va bouleverser le cours de la vie de Jonathas.
Dès le début, le réalisateur prépare son propos en confrontant le spectateur à un long plan fixe sur un aborigène en plein milieu de la forêt. Ce plan de quelques minutes pose dès lors les bases d’un récit totalement enraciné dans son environnement. Jonathas (Begê Muniz) et Juliano (Francisco Mendez) sont deux frères aux curiosités totalement opposées qui travaillent avec leur père au bord de la route. L’un est introverti et très proche de sa famille et des traditions, l’autre est à l’image d’un jeune d’aujourd’hui, attiré par les voyages, la technologie et les filles. C’est à travers ce portrait croisé que le réalisateur transmet l’idée centrale : le passage à l’âge adulte et l’émancipation. En expérimentant le voyage dans la forêt comme un rite initiatique vers la maturité, Sergio Andrade fait de Jonathas, une figure expiatoire qui se retrouve prisonnière d’un univers naturel hallucinatoire où il sera livré à lui-même.
LA NATURE PERSONNIFIÉE
Filmé en 35 millimètres, A floresta de Jonathas retranscrit avec beauté et délicatesse les travers de la forêt amazonienne. Cependant, la dernière partie du long-métrage accuse des choix de mise en scène très perturbants. D’interminables et récurrents plans fixes sur la nature brisent le rythme et nous détachent peu à peu du véritable enjeu : le sort de Jonathas. Conçu comme des transitions, le réalisateur fait de la forêt un personnage à part entière, mais échoue dans son exercice.
À l’inverse, le film de l’américain Jeff Nichols, Mud (2012), réussissait, sur la même thématique, à faire de la nature un véritable personnage de l’intrigue en la positionnant comme une figure d’émancipation. La variété des plans d’Andrade et l’utilisation minime de musique rendent le périple au sein de l’Amazonie toujours plus dépaysant. Malheureusement, c’est le jeu d’acteur qui pêche par manque de conviction. Le personnage de Jonathas est détaché et l’on peine à entrer en empathie avec lui. Outre le personnage, c’est l’enjeu scénaristique qui en pâtit. La seule révélation reste le personnage de Milly interprété par Viktoryia Vinyarska. Elle réussit à insuffler une dimension humaine aux autres protagonistes. A floresta de Jonathas manque de saveurs et reste cantonné à la figure de pâle film sur la jeunesse brésilienne.
François Boulard, pour la 35e édition du Festival des 3 Continents.