David Lean, 1949 (Royaume-Uni)
Steven Stratton (Trevor Howard) est revenu avec la ferme intention de s’expliquer avec M. H. Justin (Claude Rains). Il partage avec sa femme une passion impossible et veut donc la lui arracher des bras. Une fois entré, on le fait d’abord patienter dans le salon où tout le mobilier a été recouvert de grands draps blancs. Que doit-il comprendre exactement ? Que les Justin déménagent ou se préparent à partir en voyage ; lui est laissé là parmi les meubles, abandonné. Il paraît donc évident que Steven n’est pas prêt de revoir Mary avant longtemps. Une domestique finit par lui dire que sa maîtresse n’est pas là et que le mari trompé, homme d’affaires toujours occupé, ne veut plus entendre parler de lui. Une scène après, un souffle dans les rideaux fait apparaître Mary dans la pièce (Ann Todd). A cet instant, l’ambiance décrite renvoie presque à celle de Rebecca d’Hitchcock (1940) ou de Lettre d’une inconnue d’Ophüls (1948). Steven lui fait face et Mary, qui a regagné contrainte son foyer, et qui par ailleurs a été annoncée absente, n’est déjà pour lui qu’un fantôme. Cependant, un peu plus tôt, quand tous deux partageaient un moment de bonheur passé clandestinement lors d’une promenade sur les sommets des Alpes, c’est lui qui, disparaissant dans la brume de l’ascension, devenait comme un fantôme aux yeux de Mary (elle lui en fait même la remarque). David Lean semble nous dire qu’il en a toujours été ainsi de leur amour : éphémère, déjà disparu.
L’idée est même renforcée par une structure relativement sophistiquée. Le récit en effet est enchâssé dans les souvenirs de Mary : le présent en villégiature au bord du lac d’Annecy, puis les événements de Londres, ces séquences elles-mêmes entrecoupées d’une soirée passée (un bal de Saint-Sylvestre) ainsi que par le souvenir de leur première liaison rompue neuf ans plus tôt. David Lean crée de magnifiques moments baignés de lumière et sait les ancrer dans l’esprit du spectateur. Il sait aussi créer un suspense haletant (le mari et ses jumelles et toute l’inquiétude de la secrétaire -et la nôtre !-, ou bien le programme d’une pièce de théâtre posée sous les yeux de sa femme pour lui signifier qu’il se sait trompé…). De façon plus discrète, de plus petits détails nous marquent encore : les petits sucres empilés distraitement, un regard absent plongé dans le fond d’un verre, le souffle du métro dans les cheveux, un « saved » bien placé à l’arrière-plan…
Salut, merci de m’avoir fait découvrir le film britannique « Les Amants passionnés ». Le synopsis me paraît très intéressant. Je crois bien que je vais regarder ce long-métrage pendant mon temps libre.
Sur le thème du rêve éveillé et des premières amours fantômes, voir le très beau Peter Ibbetson d’Henry Hathaway, 1935. Peut-être même une source possible d’Inception !