Stephen Frears, 2009 (Royaume-Uni, Allemagne, France)
Vingt-ans après Les liaisons dangereuses (1989), Michelle Pfeiffer retrouve le réalisateur Stephen Frears pour un long métrage en costumes d’époque aux décors flamboyants, plein d’élégance et de raffinement. La libertine trentenaire cède la place à une courtisane cinquantenaire, dont la beauté et la sensualité restent incomparables (quel regard…). Le réalisateur anglais a également renoué avec le scénariste Christopher Hampton, lequel avait reçu un Oscar pour le premier film cité.
Adapté du double roman de Colette, Chéri et La fin de Chéri publiés entre 1920 et 1926, l’histoire se déroule dans le milieu demi-mondain du Paris de la Belle Époque. Léa de Lonval (Michelle Pfeiffer), considérée à juste titre comme une des plus belles courtisanes (appelées « cocottes », ces prostituées de luxe deviennent les maîtresses attitrées des puissants de ce monde), termine sa carrière en s’autorisant une liaison avec le jeune Fred Peloux (Ruper Friend), surnommé Chéri, beau jeune homme inexpérimenté d’à peine dix-neuf ans et fils de l’ancienne rivale de Léa, Charlotte Peloux (Kathy Bates). Cette idylle entre « Nounoune » et « Chéri », qui ne devait durer que quelques semaines, se prolonge six années durant lesquelles les deux amants apprennent à s’aimer en dépit de leur différence d’âge. Cependant la reine mère Charlotte Peloux, grande manipulatrice et connaisseuse des stratégies amoureuses, décrète que le temps est venu de marier son rejeton à la jeune Edmée (Felicity Jones), fille unique d’une richissime courtisane. Le moment fatidique approchant, Léa et Fred comprennent qu’ils sont plus attachés l’un à l’autre qu’ils ne veuillent bien l’admettre et bientôt leur affection se transforme en déchirante passion.
Chéri est un film magnifique sur les sentiments amoureux, les apparences et le temps qui passe. Michelle Pfeiffer, dont le jeu est tout en subtilités, est sublime. Comment résister à une telle beauté ? Comment ne pas céder à son charme magnétique ? Ruper Friend fait à ses côtés un partenaire idéal. Ses airs efféminés ne sont pas sans parfois rappeler Johnny Depp. Kathy Bates* elle aussi excelle dans le rôle de la mère poule acariâtre et jalouse de Léa de Lonval.
Voilà une belle réussite servie par une musique somptueuse ! Les mélodies mélancoliques m’ont d’ailleurs parfois fait penser au légendaire thème du Parrain (Coppola, 1972). Le sentiment de perte et les tourments amoureux sont appuyés de façon magistrale par Alexandre Desplat, à qui l’on doit les partitions de L’étrange histoire de Benjamin Button (Fincher, 2009), Et après (Bourdos, 2009), Largo Winch (Salle, 2008) ou bien sûr la bande originale de The Queen (2007), autre collaboration (notable et récompensée) avec Stephen Frears.
Chéri est d’une grande classe, très émouvant et, dans les dialogues, d’une rare finesse. Sa force principale réside dans la puissance contenue de cette partie d’échecs sentimentaux…
* Kathy Bates, qui avait reçu un Oscar pour sa terrifiante interprétation d’Annie Wilkes dans Misery (Rob Reiner, 1991), est à souvent l’affiche dans des seconds rôles de qualité (Helen Givings dans Les noces rebelles de Sam Mendes, 2009) ou plus anecdotiques (Regina Jackson dans Le jour où la Terre s’arrêta de Scott Derrickson, 2008).