L’ auberge du dragon (Dragon gate Inn)

King Hu, 1967 (Chine, Taïwan)

Auberge du dragon


DRAGON GATE INN : SABRE QUI PEUT

Nous voilà en plein XVe siècle dans l’Empire du Milieu, en plein milieu de bagarres au sabre à n’en plus finir. La dynastie des Ming est secouée par la prise de pouvoir des eunuques. Vous situez ? C’était en 1457. Cinq siècles plus tard, la camera de King Hu réussit un exploit : éviter un mauvais coup de sabre en deux bonnes heures d’action et d’air fendu par le fil des lames. Dans la salle, on baisse les têtes.

Sous cette dynastie des Ming, le ministre Yu est exécuté, sa famille forcée à l’exil. Pas suffisant pour le chef des eunuques. Pour être sûr d’asseoir son autorité, il veut exterminer la famille entière, et lui tend un piège à l’Auberge du dragon. Va y avoir de la bagarre. La famille trouve de l’aide. Pour la bagarre, c’est mieux. Face aux malfrats, tout le monde dégaine sa lame, Monsieur Wu, propriétaire de l’auberge et ami du ministre trucidé, comme cette voyageuse que les eunuques, ces fourbes, ont tenté d’empoisonner. Ca l’a énervé, forcément.



DES FEMMES ET DES SABRES
Cette héroïne, incarnée par l’actrice Lingfeng Shangguan est en fait aguerrie, bondissante et agile dans l’esquive. Dix minutes contre le grand chef, faut le faire. Le rôle que tient cette femme peut être considéré comme rare et novateur pour l’époque, surtout dans un pays comme la Chine et d’autant plus au XVe sous les Ming. Dans ces films, King Hu qui a toujours mis en scène des femmes combattantes.

Dragon Inn, L’Auberge du Dragon en français, est le cinquième long métrage du réalisateur hongkongais King Hu. Il a notamment réalisé Come drink with me (L’hirondelle d’or, 1966) et A touch of zen (Les héroïques, 1971). Il est un des maîtres du genre cinématographique chinois wu xian pian qui fait la part belle aux combats chevaleresques et aux envolées de sabres. Ce film ne déroge pas à ce style unique très esthétique et change des genres traditionnels occidentaux.

3 LIGNES DE SCENAR’, 2 HEURES DE BAGARRE
Mentale ou physique, l’affrontement est permanent jusqu’à la chute du film. Entre adversaires, pas de baratin. Les dialogues sont brefs et percutants. Les combats de sabres endiablés et les voltiges dans les airs ne se calment que pour déployer des ruses entre les différents clans. Les acteurs masculins sont très maquillés, le regard peint, comme pour souligner ces joutes sans mouvements.



UNE ESTHÉTIQUE FORMATÉE MAIS PARFOIS POÉTIQUE
Comme dans un Jet Li, les bruitages des scènes de combats sont exagérés à outrance, au-delà du réalisme, permettant de rendre plus impressionnants ces chassés-croisés de coups de sabre. Plusieurs raccords s’infiltrent tout au long du film, montrant le début d’un combat tout en regards qui tuent, jusqu’à la mort d’un personnage sans qu’on n’ait vu le moindre coup porté, ni la moindre goutte de sang. Des scènes de luttes peu réalistes et légèrement grotesques. Comme quand le sabre se lève au-dessus de la victime pour provoquer sa mort sans jamais le toucher. Ce qui décrédibilise quelque peu la mise à mort.

La caméra est parfois fixe, parfois portée à l’épaule. Le réalisateur a pris le parti de filmer les conversations en plan rapproché poitrine, comme pour entretenir une relation de proximité avec le spectateur. Les combats sont quant à eux filmés en plan d’ensemble pour suggérer un terrain d’affrontement, et permettre au spectateur d’apprécier pleinement les figures réalisées.


DU PLOMB DANS LE CRÂNE
Roulement de tambour de castagnettes, crescendo s’il vous plait. Uniquement quand les corps sont lancés dans un affrontement, pour augmenter le suspens sur l’issue de l’engagement. Des travellings avant renforcent le doute du spectateur. Qui va l’emporter ? Typiquement chinoises, les musiques en off tintinnabulent lors de séquences émotionnelles, retrouvailles poignantes et rares moments de douceur. Comme lorsque l’actrice Lingfeng Shanggua est entaillée et que ses compagnons l’aident à panser ses blessures. La bataille finale laissera tout le monde au tapis, c’est l’apothéose, le bouquet final du feu d’artifice. On en sort crevé, mais entier.




Cécile Prévot, pour Preview,
en partenariat avec La Kinopithèque pour la 36e édition du Festival des 3 Continents

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